ÉLECTIONS EUROPéENNES : QUE VEULENT FAIRE LES PARTIS EN MATIèRE D'IMMIGRATION ET D'ASILE ?

Alors que les élections européennes approchent, Euronews fait le point sur ce que les partis veulent faire du sujet le plus clivant de l'agenda politique : la migration et l'asile. View on euronews

Les candidats aux élections pourront faire campagne sur le nouveau pacte sur la migration et l'asile, une réforme globale qui introduirait des règles collectives prévisibles pour gérer l'accueil et la relocalisation des demandeurs d'asile, approuvée en mars par le Parlement après des années d'impasse entre les États membres.

Tirer le meilleur parti de cette nouvelle réforme sera l'une des principales priorités de l'Union européenne au cours du prochain mandat, en particulier après que le nombre de demandes d'asile ait atteint 1,14 million en 2023, soit le niveau le plus élevé depuis sept ans.

Mais les partis en lice pour les sièges de l'hémicycle ont d'autres idées sur ce sujet, allant d'un blocus naval total à une plus grande protection des réfugiés LGBTQ+. Voici ce que chaque groupe politique promet de faire en matière d'immigration et d'asile.

PPE : plus de Frontex, plus d'accords

"Les principes directeurs de notre politique migratoire sont l'humanité et l'ordre. Nous voulons mettre un terme aux migrations incontrôlées", déclare dans son programme le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit, la plus grande formation du Parlement et qui devrait le rester.

Le parti est déterminé à renforcer les frontières extérieures et souhaite un contrôle "rigoureux" de tous les arrivants en situation irrégulière et une surveillance électronique "complète" à tous les points d'entrée. Si les frontières extérieures ne sont pas suffisamment sûres, le PPE n'exclut pas l'introduction de contrôles aux frontières intérieures, que certains pays ont déjà mis en place.

En outre, le PPE envisage de renforcer le rôle et le budget de Frontex, l'agence de surveillance des frontières et des côtes de l'Union européenne, avec 30 000 membres du personnel, soit trois fois plus que les 10 000 qu'elle est censée compter d'ici 2027.

Mais la pricnipale proposition est l'initiative visant à transférer les demandeurs d'asile vers des pays "sûrs" et, par conséquent, à traiter leurs demandes en dehors de l'Union : "En cas de résultat positif, le pays tiers sûr accordera une protection au demandeur sur place", indique le manifeste.

Ce système non défini a été comparé au "plan Rwanda" controversé que le Royaume-Uni a essayé de mettre en place pendant des années pour envoyer des migrants dans ce pays africain, et qui a fait l'objet de nombreuses contestations juridiques jusqu'à son approbation finale.

Interrogée lors du premier débat des principaux candidats sur le respect des droits de l'Homme, Ursula von der Leyen (PPE) a déclaré que tout accord futur devrait être compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), que Londres a défiée à maintes reprises.

Mme Von der Leyen a également défendu les accords de plusieurs millions de dollars que sa Commission européenne a signés avec les pays voisins, tels que la Tunisie, la Mauritanie et l'Égypte, afin de stimuler leurs économies nationales et de réduire le nombre d'arrivées irrégulières.

Le programmedu PPE appelle à la poursuite de cette stratégie et à l'utilisation des politiques de commerce, de développement et de visa comme levier pour contraindre les pays d'origine à reprendre les migrants qui quittent leur territoire. Il propose également un "plan d'investissement européen pour l'Afrique afin de s'attaquer plus efficacement aux causes profondes de la migration."

Socialistes : une approche juste et humaine

Le Parti socialiste européen (PSE) reste assez concis sur la question de l'immigration et de l'asile : il souhaite que le nouveau pacte soit mis en œuvre d'une manière "équitable, sûre et prévisible", dans le plein respect des droits de l'homme et de la "dignité des personnes".

Pour eux, cela signifie des conditions d'accueil "humaines et décentes", une assistance juridique pour les demandeurs, une protection spéciale pour les enfants et la lutte contre les trafiquants.

Comme le PPE, le PSE prône le renforcement des frontières extérieures de l'Union et la coopération avec les pays d'origine et de transit, mais il se distingue en rejetant explicitement "toute forme d'externalisation des frontières de l'UE".

"Nous ne criminaliserons jamais l'aide humanitaire et nous soutenons une mission européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée", ajoutent-ils. Depuis 2014, plus de 28 000 personnes ont été portées disparues en mer.

Le PSE entend également promouvoir des politiques inclusives pour aider les réfugiés à s'intégrer dans le marché du travail européen et soutenir les autorités locales qui travaillent sur le terrain.

Libéraux : clarté et stabilité

La plate-forme commune des libéraux, connue sous le nom de "Renouveler l'Europe maintenant", est basée sur un condensé succinct de 10 priorités.

En ce qui concerne l'immigration et l'asile, le groupe affirme que le sujet a deux ennemis : les populistes qui "attisent les flammes du racisme" et les réseaux de passeurs qui jouent avec "les espoirs et les vies des personnes qui tentent d'échapper à la misère ou à la guerre."

Pour les combattre, il faut de la "clarté et de la stabilité" afin d'accroître les garanties juridiques pour ceux qui arrivent en Europe et les opportunités pour les migrants dans leur pays d'origine.

Les libéraux insistent sur la nécessité de mettre en place des "voies légales économiques" pour pourvoir les postes vacants : "la pénurie de main-d'œuvre étant une réalité, nous devons intégrer les talents dont nous avons besoin", déclare le groupe.

Les Verts : non aux accords douteux

"Le droit d'asile n'est pas négociable", affirment les Verts avant de présenter une série de propositions sur l'immigration et l'asile.

Le groupe demande la mise en place d'un "mécanisme de relocalisation obligatoire" afin de s'assurer que les 27 Etats membres en assument la responsabilité, l'introduction de "visas climatiques" pour les victimes de catastrophes naturelles en dehors de l'Union, et une attention particulière pour les demandeurs d'asile LGBTQIA+, qui pourraient être persécutés malgré le fait qu'ils viennent d'un pays qui, sur le papier, est "sûr".

Les Verts, comme le PSE, demandent une mission de recherche et de sauvetage dirigée par l'UE en Méditerranée et ajoutent que Frontex devrait renforcer son "mandat humanitaire" et sa responsabilité devant les parlements. Ils demandent également la fin des refoulements aux frontières et de la "criminalisation" des ONG. "Les gens n'ont pas leur place en prison pour avoir simplement demandé l'asile", affirment-ils.

En termes clairs, les Verts s'opposent aux "accords sales avec les dictateurs", faisant référence aux accords avec la Tunisie et l'Egypte (que les conservateurs soutiennent sans réserve), et affirment que lier l'aide au développement et la gestion des migrations est "contraire à l'éthique".

"Nous ne pouvons accepter que les réfugiés et les migrants soient exploités à des fins géopolitiques. La traite des êtres humains ne doit jamais être une arme de guerre hybride", affirment-ils.

En ce qui concerne l'emploi, le groupe propose un nouveau code des migrations afin d'élargir l'accès aux visas, de faciliter l'accès des étudiants étrangers au marché du travail et de mener une "campagne globale" pour régulariser la situation des sans-papiers vivant dans l'Union européenne.

ECR : tout sur l'externalisation

Sans surprise, le parti de droite dure des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), qui regroupe des forces telles que Fratelli d'Italia (Italie), Droit et Justice (Pologne), Vox (Espagne) et l'Alliance néo-flamande (Belgique), présente les propositions les plus radicales en matière d'immigration et d'asile.

Le parti affirme dans son manifeste que les Etats membres ne doivent pas forcer "leurs citoyens à accueillir des immigrés illégaux sans leur consentement", une déclaration sans détour qui dénonce le système de "solidarité obligatoire" prévu par le nouveau pacte. Ce système offre trois options possibles aux pays, l'une d'entre elles étant la relocalisation.

L'ECR propose une stratégie visant à contrôler "tous les points d'entrée possibles" par voie aérienne, terrestre et maritime, basée sur une infrastructure frontalière "améliorée", un rôle renforcé de Frontex et d'Europol, et de nouvelles mesures pour lutter contre le trafic, augmenter les rapatriements et, surtout, "collaborer avec les pays tiers à l'externalisation de la gestion des migrations."

"Notre objectif est de faire en sorte que la majorité des demandes de protection internationale soient évaluées directement en dehors de l'UE", affirment-ils.

Cela fait écho au protocole signé l'année dernière par le Premier ministre italien Giorgia Meloni, l'homme politique le plus en vue d'ECR, qui prévoit de traiter jusqu'à 36 000 demandes d'asile par an dans deux centres flambant neufs qui seront construits en Albanie.

Une autre idée de Mme Meloni, une mission navale de l'UE pour "bloquer les départs illégaux", plutôt que pour sauver les migrants en détresse, figure également dans le manifeste. _"_Pour éviter les abus du système d'asile, nous insisterons pour que l'asile ne soit accordé qu'aux véritables réfugiés", déclare le groupe, sans expliquer ce qu'est un "véritable réfugié".

La gauche : annuler le nouveau pacte, dissoudre Frontex

Plutôt que d'avoir une section distincte consacrée à la migration et à l'asile, la Gauche aborde le sujet dans un chapitre plus large intitulé "Le codéveloppement, pas la domination coloniale et l'hégémonie".

Le groupe appelle à "rompre avec l'Europe forteresse", rejette l'externalisation de la politique migratoire basée sur le "financement de régimes sanguinaires" et exige une "solidarité obligatoire" entre tous les États membres.

"Si l'UE veut réduire le nombre de réfugiés et de migrants, elle doit promouvoir la paix, la stabilité et le développement durable au Moyen-Orient, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud au lieu de participer à des interventions militaires, d'alimenter des guerres civiles et d'exploiter les ressources naturelles", peut-on lire dans le manifeste.

Sur une note de défi, la Gauche déclare que le nouveau pacte doit être "annulé" car, selon elle, il condamne les demandeurs d'asile à la détention et à l'expulsion. Tout aussi remarquable est leur proposition directe de "dissolution" de Frontex.

Identité et démocratie : absents dans l'action

Le groupe d'extrême droite, qui comprend notamment Alternative für Deutschland (Allemagne), le Rassemblement national (France) et la Lega (Italie), n'a pas publié de manifeste commun en vue des élections de juin, du moins pas encore.

Dans une déclaration de principes adoptée en 2022, l'ID rejette "la manière dont l'Union européenne estompe encore davantage les frontières de l'Europe pour en faire une gestion des droits migratoires au lieu des limites géographiques du continent où ses propres citoyens européens sont gardés et protégés".

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