De nombreux hôpitaux québécois fermeront des salles d’opération lors des journées de grève du Front commun et de la FIQ prévues cette semaine. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) se dit incapable de chiffrer le nombre exact d’interventions chirurgicales non urgentes reportées, mais estime à partir d’« hypothèses théoriques » que 450 devraient l’être par jour de débrayage. Des patients ont reçu l’appel tant redouté : ils devront — encore — attendre avant de passer sous le bistouri.
Marc Lalonde, 50 ans, a subi il y a un mois une opération pour des calculs rénaux au CHU de Québec. L’équipe chirurgicale n’a pas été en mesure de pulvériser sa pierre au rein. Elle lui a installé un drain en attendant une prochaine tentative. L’intervention devait avoir lieu au début de cette semaine, mais a été reportée au 20 décembre.
« Quand on m’a dit qu’on me retardait, je n’étais vraiment pas de bonne humeur parce qu’avec le drain, ce n’est vraiment pas confortable », affirme l’homme, qui doit prendre divers médicaments contre la douleur. « Normalement, je serais en arrêt de travail, sauf que, moi, je suis travailleur autonome. Je ne peux pas me permettre de m’arrêter pendant deux mois. »
Marc Lalonde dit « comprendre les moyens de pression » des grévistes. « Je suis un peu de leur côté là-dessus. On s’entend [sur le fait] que le système de santé au Québec, c’est Kaboul. Ils ne sont tout de même pas trop payés pour ce qu’ils font comme job. Mais c’est sûr qu’il faut qu’ils pensent qu’il y a des effets. » Du « vrai monde » subit les contrecoups des débrayages, rappelle-t-il.
Danièle Drouin devait être opérée le 21 novembre à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne. Son intervention pour une pierre à la vésicule biliaire — d’une taille de 3 centimètres — a été remise au 28. « J’attends depuis un an et demi, dit la femme de 58 ans. Une journée de plus ou de moins, rendue où je suis… » Ses sentiments sont partagés face aux moyens de pression. « Je ne sais pas trop comment “dealer” avec ça. Je ne suis pas frustrée. Je comprends leur point de vue. » Mais elle espère ne pas avoir à se rendre à l’hôpital, en souffrance pour être opérée d’urgence.
De nombreux établissements de santé prévoient fermer des salles d’opération en prévision des débrayages cette semaine. L’hôpital Royal-Victoria et l’Hôpital général de Montréal en auront deux de moins et l’hôpital de Lachine, une de moins, indique le Centre universitaire de santé McGill, qui gère les centres hospitaliers. L’Hôpital de Montréal pour enfants, lui, fermera une ou deux salles, selon les jours. Au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, environ 5 salles sur 9 seront ouvertes.
Le CHU de Québec, qui compte cinq hôpitaux, prévoit pour sa part le report de plus de 130 opérations non urgentes. À l’hôpital du Haut-Richelieu et à l’hôpital Charles-Le Moyne, 104 ont été reportées, selon le CISSS de la Montérégie-Centre.
Pour respecter le maintien des services essentiels, les blocs opératoires doivent tourner à 70 % de leur capacité. C’est sur la base de ce pourcentage que le MSSS estime qu’environ 450 interventions chirurgicales non urgentes sont reportées par jour de grève. Au Québec, 1500 opérations sont réalisées quotidiennement en moyenne. « Les chiffres disponibles à ce stade sont basés sur des hypothèses théoriques et pourraient varier considérablement selon la situation observée réellement dans chaque établissement », souligne le MSSS.
Le Devoir a demandé aux établissements de santé combien d’opérations non urgentes avaient été reportées lors des précédentes journées de grève (6, 8 et 9 novembre). Dix CIUSSS et CISSS ont fourni des chiffres précis, ce qui totalise 438 opérations reportées. Trois autres ont affirmé ne pas en avoir reporté, car ils avaient préparé leur horaire à l’avance en fonction des débrayages. Sept établissements ont répondu en indiquant le nombre de salles d’opération fermées ou les réaménagements d’horaires effectués.
Rappelons que plus de 160 000 Québécois sont en attente d’une opération chirurgicale, dont près de 14 000 depuis plus d’un an. « Ce sont tellement de gros chiffres que l’impact de la grève n’est proportionnellement pas si important que ça pour l’instant », juge le Dr Patrick Charlebois, président de l’Association québécoise de chirurgie. En temps normal, des opérations sont aussi annulées en raison d’un manque de personnel ou de lits d’hospitalisation. « Mais c’est sûr qu’il faut une résolution de ce conflit-là. »
Le Dr Charlebois se dit « solidaire » des grévistes — comme la Fédération des médecins spécialistes du Québec. « Les conditions de travail des travailleurs de la santé doivent être améliorées pour que les carrières en santé soient attrayantes, qu’on puisse recruter, qu’on puisse sauver notre système de santé public. »
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