APPARTEMENT ET VERMINE : QUI PAIE L’EXTERMINATEUR ?

Souris, coquerelles, punaises, fourmis, rats… S’il y en a dans votre logement, c’est au propriétaire de payer l’exterminateur. Vous pourriez même avoir droit à une diminution de loyer !

L’actualité et Éducaloi s’allient pour clarifier les questions juridiques de votre quotidien. Michaël Poutré est avocat et chef des contenus à Éducaloi. Le droit évolue constamment. L’information juridique que renferme ce texte était valide en date du 27 avril 2024. Ce texte est informatif ; il ne constitue pas un avis juridique. Éducaloi est un organisme sans but lucratif qui a pour mission de vulgariser le droit et de développer les compétences juridiques de la population du Québec. 

Vous soupez tranquillement dans votre cuisine. Tout à coup, quelque chose attire votre attention sur le sol, le long du mur. Vous y regardez de plus près et poussez un cri d’effroi : une souris se balade dans votre appartement !

Vous avisez aussitôt votre propriétaire. Plutôt que de prendre les choses en main, ce dernier vous rétorque de vous débarrasser du rongeur avant que tout l’immeuble soit infesté.

Vous faites alors venir l’exterminateur, qui règle le problème mais vous laisse une facture de 350 $. Qui doit payer ? En règle générale, c’est au propriétaire de le faire. C’est à lui d’appeler l’exterminateur, puisqu’il a la responsabilité de fournir un logement en bon état pour toute la durée du bail. Si le propriétaire tarde à agir, le locataire peut prendre les choses en main et aura le « droit d’être remboursé des dépenses raisonnables qu’il a faites dans ce but », précise le Code civil

Frais d’extermination remboursés

Une dame de Montréal a vécu une situation de ce type en 2020. Son histoire s’est rendue jusqu’au Tribunal administratif du logement. Dans le jugement, le Tribunal donne raison à la dame. Devant l’inaction de la propriétaire, la locataire était autorisée à retenir elle-même les services d’un exterminateur. Surtout, elle a droit au remboursement par la propriétaire des 344,92 $ que lui ont coûté ces services.

Et si le bail prévoit que les frais d’extermination sont à la charge du locataire ? Une telle clause pourrait être considérée comme invalide, tel que le démontre une autre affaire, toujours dans la région de Montréal. 

Une femme constate la présence de coquerelles dans son logement et elle en informe sa propriétaire, qui se contente de lui fournir un insecticide. Le produit s’avérera inefficace.

La locataire se résigne donc à embaucher elle-même un exterminateur, puisque son bail contient une clause qui prévoit que les frais d’extermination sont à sa charge. Le problème semble réglé, mais les coquerelles réapparaissent quelques mois plus tard. Elle décide finalement de quitter son logement et de poursuivre sa propriétaire.

Le Tribunal administratif du logement conclut que la clause qui prévoit que les frais d’extermination sont à la charge de la locataire est illégale et sans effet. La femme a donc droit au remboursement de la facture de 344,52 $ pour les frais d’extermination.

Diminution de loyer

La présence de vermine dans un logement peut entraîner une diminution de « la pleine jouissance des lieux ». Ainsi, un locataire aux prises avec un problème de vermine peut demander une diminution de loyer pour les mois durant lesquels il a dû partager son quotidien avec des bestioles.

C’est la conclusion du Tribunal administratif du logement dans un jugement qui date de 2013, et auquel se réfèrent encore les juges.

Les faits sont les suivants. Une dame découvre des punaises de lit dans son logement. Elle en informe sur-le-champ le propriétaire, qui communique aussitôt avec une entreprise d’extermination qu’il connaît. Mais comme c’est le début de la longue fin de semaine de la Fête nationale du Québec, l’exterminateur ne vient que cinq jours plus tard.

D’autres traitements ont lieu dans les semaines suivantes, et au début août, les punaises sont éradiquées.

La locataire réclame au propriétaire une diminution mensuelle de loyer de 200 $ à compter de la découverte des punaises. Elle réclame aussi 2 700 $ en dommages pour frais d’hôtel, achat de matelas, d’oreillers, de literie, d’aspirateur, frais de buanderie et perte de trois journées de travail.

D’entrée de jeu, le Tribunal souligne que les punaises de lit sont susceptibles de s’inviter dans un logement, même bien entretenu. En fait, la source d’une infestation est souvent difficile à identifier et ne résulte pas nécessairement de la faute du locataire ou du propriétaire. Malgré tout, le propriétaire a l’obligation de procurer la pleine jouissance de son loyer tout au long du bail.

Le Tribunal conclut que la locataire a donc droit à une diminution de loyer — fixée à 250 $ en tout — pour la période allant de la découverte des punaises jusqu’à l’éradication du problème au début août.

En revanche, la simple présence de punaises ne donne pas droit à n’importe quels dommages. Ici, seul le montant pour cinq nuits à l’hôtel — soit 750 $ — est accordé par le Tribunal. En effet, ces frais résultent de la conduite du propriétaire, qui a préféré retenir les services d’un exterminateur en particulier plutôt que d’en trouver un disponible sur-le-champ.

Indemnisation supplémentaire

Dans certains cas, les locataires ont eu droit non seulement à une diminution de loyer, mais aussi à des dommages moraux, un type de dommages qui vise à compenser par exemple les inconvénients, le stress, les inquiétudes et la fatigue vécus par le locataire. Le locataire doit toutefois faire la preuve d’une négligence du propriétaire et des conséquences de celle-ci.

Ce fut le cas en 2018 pour un homme de Québec qui a dû partager son logement avec des rats durant près d’un an. Son propriétaire se contentait d’installer des pièges et a tardé pendant sept mois à embaucher un exterminateur.

Trous dans les murs, fils grugés, urine et excréments dans les tiroirs : le Tribunal estime que le locataire a bel et bien subi un préjudice et octroie 300 $ en dommages moraux pour l’indemniser ; il accorde en plus une diminution de loyer de 25 % pour la période problématique, soit 3 187,50 $.

Dans un autre dossier, cette fois du côté de Longueuil, les locataires d’un logement ont poursuivi leur propriétaire parce que tout l’immeuble était infesté de coquerelles. Une locataire voisine, qui témoigne dans le dossier, raconte même qu’une coquerelle s’était échappée de la boîte à lunch de sa fille alors qu’elle était à l’école.

La preuve démontre l’inefficacité des traitements effectués par le propriétaire. Le Tribunal qualifie sa conduite de nonchalante et accorde, entre autres choses, 1 000 $ en dommages moraux pour les troubles et les inconvénients subis par les locataires.

Quand une locataire se fait justice

Votre propriétaire néglige de corriger un problème de vermine ? Vous pourriez être tenté de cesser de payer votre loyer pour mettre de la pression sur lui. Mais cette option pourrait se retourner contre vous. C’est ce qu’apprend à ses dépens une locataire dans un jugement tout récent de mars 2024.

Dans cette histoire, la locataire refuse de payer l’augmentation mensuelle de 30 $ applicable depuis le renouvellement de son bail. Son propriétaire s’adresse au Tribunal administratif du logement et demande la résiliation du bail.

Lors de l’audition, la locataire explique qu’elle a retenu une partie du loyer en raison de « la présence de chauve-souris, de coquerelles et de souris dans son logement ». Son propriétaire n’aurait rien fait pour régler la situation, malgré plusieurs demandes.

Le Tribunal donne raison au propriétaire et résilie le bail. La locataire ne pouvait se faire justice elle-même en retenant simplement une portion du loyer mensuel. Elle aurait plutôt dû envoyer une mise en demeure à son propriétaire et s’adresser ensuite au Tribunal pour que la situation soit corrigée.

En cas de négligence du propriétaire, un locataire peut aussi utiliser le « dépôt de loyer ». C’est un mécanisme qui permet de déposer son loyer directement au Tribunal administratif du logement plutôt que de le payer à son propriétaire.

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