LES éMISSIONS DE GES ONT GRIMPé EN 2022 AU CANADA

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada ont poursuivi leur hausse en 2022, selon les données publiées jeudi par le gouvernement fédéral. Et plus que jamais, l’industrie des énergies fossiles constitue le poids lourd du bilan canadien. Mais cela ne l’empêche pas de miser sur une croissance de la production.

Le Canada a produit 708 millions de tonnes (Mt) de GES en 2022, soit une hausse d’environ 10 Mt de tonnes par rapport à 2021, dont le bilan a été revu à la hausse pour notamment tenir compte d’un portrait plus fidèle des émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier.

Ce bilan démontre d’ailleurs que l’industrie fossile pèse lourd dans le bilan des émissions qui alimentent la crise climatique, avec un total de 217 Mt. Elle représente 31 % de l’ensemble des émissions de GES du pays, devançant le secteur des transports (156 Mt), historiquement très polluant, mais aussi celui des bâtiments (89 Mt) et des « industries lourdes » (78 Mt).

Il faut dire que les émissions du secteur des énergies fossiles ont connu une forte croissance depuis plusieurs années, notamment en raison de la production en hausse des sables bitumineux (800 % depuis 1990). Depuis 1990, la hausse des émissions de l’industrie pétrolière et gazière avoisine les 90 %, et entre 2005 et 2022, cette augmentation a atteint 21 %. En 2022, la source principale des émissions du secteur était les sables bitumineux, avec 87 Mt, devant la production de gaz naturel de plus en plus tournée vers la fracturation, avec 60 Mt.

Le gouvernement Trudeau espère toutefois s’attaquer aux GES de l’industrie en instaurant un système de plafonnement des émissions pour l’industrie. Ce plafond ne sera toutefois pas imposé avant 2030 et il prévoit la « souplesse » nécessaire pour permettre aux entreprises d’augmenter la production, notamment dans le secteur des sables bitumineux.

L’industrie pétrolière canadienne a prévu cette année une nouvelle hausse des investissements dans la production, hausse qui est stimulée par la fin de la construction de nouvelles infrastructures destinées à faciliter l’exportation de sa production, dont le pipeline Trans Mountain, entré en fonction mercredi.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a d’ailleurs répété jeudi qu’Ottawa ne peut pas freiner la croissance de la production. Le gouvernement Trudeau mise donc sur la réglementation, notamment sur les émissions de méthane et sur les émissions de l’ensemble du secteur des énergies fossiles, pour alléger le bilan global de l’industrie. « Peu importe ce qui arrive au niveau de la production, il faut que les émissions diminuent pour qu’on puisse atteindre nos objectifs », a-t-il résumé en point de presse.

Un rapport publié l’automne dernier par l’Agence internationale de l’énergie prévenait qu’en plus d’éliminer le toujours très utilisé charbon, il faudrait réduire d’au moins 75 % le recours au pétrole et au gaz d’ici 25 ans pour espérer limiter le réchauffement de la planète au seuil viable de 1,5 °C.

Cible de 2030

Par ailleurs, le Canada demeure toujours loin de sa cible de réduction des GES pour 2030, fixée à un recul de 40 % à 45 % par rapport au niveau de 2005. Cela signifierait d’émettre 419 Mt à 457 Mt, au lieu des 708 Mt de 2022. Mais Ottawa assure être « en voie d’atteindre l’objectif » de 2030, en raison des mesures en place et de celles à venir. Pour le moment, les émissions sont en baisse de 7 % par rapport à 2005.

Le gouvernement estime en outre que malgré l’augmentation des GES entre 2021 et 2022, le nouveau bilan montre que le Canada a continué de maintenir les émissions sous les niveaux de 2019 (752 Mt), la dernière année d’activité économique avant les ralentissements liés à la pandémie. « Cela est remarquable étant donné que la croissance économique et démographique a été forte en 2021 et 2022 », précise le communiqué publié jeudi.

Les émissions de GES par habitant ont atteint 18 tonnes en 2022, « ce qui est comparable aux États-Unis », précise le gouvernement. À titre de comparaison, on estime que pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, et ainsi respecter l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, il ne faudrait pas que les émissions moyennes mondiales dépassent les 2 tonnes par personne.

« Qu’on se le dise, la voie de la réglementation est celle à suivre, mais il reste des pas de géant à faire. Pour atteindre notre cible de réduction de -45 % d’ici 2030, il va falloir réduire nos émissions de 6,7 % par année d’ici là et ça ne se fera pas sans imposer un plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier. Cette réglementation ne peut plus souffrir d’aucun délai », a déclaré jeudi Anne-Céline Guyon, analyste énergie et climat chez Nature Québec.

Responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, Patrick Bonin abonde dans le même sens. « Le gouvernement fédéral a réglementé les émissions de méthane provenant du secteur pétrolier et gazier et elles diminuent rapidement, alors que les émissions des sables bitumineux, qui ne sont toujours pas réglementées, sont à la hausse et atteignent un niveau record en 2022 », souligne-t-il.

L’Institut climatique du Canada salue pour sa part un bilan qui témoigne de réductions par rapport à la situation qui prévalait avant la pandémie. L’organisme espère que le découplage entre les émissions et la croissance économique pourront s’accentuer dans les années à venir.

Avec Boris Proulx

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