LE COMBAT D’UNE PETITE VILLE DU QUéBEC CONTRE LES DéCHETS

Ce qui frappe en arrivant à Prévost, c’est que la ville de 14 000 habitants nous semble familière. Une route passante la sépare en deux, de grandes chaînes de restaurants, des supermarchés et des petits commerces défilent sur plusieurs kilomètres : l’aménagement rappelle un modèle appliqué 100 fois.

Sauf que, depuis quelque temps, le nom de Prévost retient l’attention pour l’originalité de ses actions environnementales.

D’abord parce qu’elle est la seule ville québécoise à forcer les gens à payer une contribution sur certains produits de plastique à usage unique, puis parce qu’elle va lancer un projet pilote municipal de vaisselle consignée pour ses restaurants. Elle a surtout été la première ville de la province à adopter un règlement de décarbonation de ses bâtiments (et à se faire brièvement poursuivre par Énergir).

Ce terreau fertile d’idées vertes, ça vient d’où? C’est le film des années 2000 Une vérité qui dérange qui a conscientisé le notaire devenu maire, Paul Germain. Quand il a été élu pour la première fois, en 2017, il était aux côtés d’un conseil qui était, lui aussi, pressé d’agir en environnement. Les astres étaient alignés.

Payer (un peu) pour ses déchets

Parmi les projets les plus audacieux pour réduire les déchets, il y a celui de l’éco-contribution. Le concept, c’est d’offrir une solution de rechange aux objets à usage unique, puis de faire payer ceux qui décident d’en consommer quand même.

Le règlement touche les bouteilles d’eau de moins de 750 ml, les tasses à café pour emporter, les ustensiles et les nappes en plastique, et les bidons de lave-glace.

Concrètement, un commerce de Prévost qui souhaite vendre des bouteilles d’eau en petit format doit donc facturer 10 cents par bouteille et avoir une source d’eau potable à proximité pour sa clientèle.

Et pour vendre des bidons de lave-glace, il faut proposer une station de lave-glace en vrac. C’est obligatoire.

Donnant-donnant

Ce sont 25 commerces qui ont adopté l’éco-contribution. Le chemin a été plus ardu pour certains, mais tout le monde a fini par embarquer.

Le système est d’ailleurs autosuffisant. L’argent qui sert à aider les entreprises vient directement de l’éco-contribution et n’a rien à voir avec les impôts.

Une idée qui rapporte

La Ville amasse en moyenne 55 000 $ par an avec l’éco-contribution. Les fonds servent également à subventionner des projets présentés par des citoyens ou des commerçants.

C’est le cas du Café Kohi, qui a reçu une aide financière pour l’aider à déployer son idée de verres réutilisables. Les clients de la maison de torréfaction payent 1 $ de consigne et décident de rapporter le pot ou de le garder.

Son propriétaire, Daniel Moranville, arrive à chiffrer les résultats : On estime avoir sauvé entre 12 000 et 15 000 verres en carton. Chaque tasse en carton jetée, ça nous coûtait 10, 20 sous. Ce coût-là, on ne l’a plus. Donc oui, on fait des économies d’argent et de déchets.

Est-ce que c’est suffisant?

D'autres programmes existent pour diminuer les déchets de Prévost :

  • Des points de dépôt qui évitent des détours à l'écocentre

  • Bientôt de la vaisselle consignée gérée par la Ville dans les restos

  • L'ouverture de la collecte municipale de compost et de recyclage aux commerces

Et les résultats dans tout ça? Ce n’est pas si clair. La Ville ne sait pas dans quelle mesure elle a pu faire baisser sa facture de gestion des ordures, qui dépasse le million annuellement. Mais elle possède désormais des données que les autres municipalités n’ont pas : la quantité de certains déchets sur son territoire.

C’est épeurant, lance le maire Paul Germain. C'est 300 000 verres à café en presque 18 mois qui se sont consommés à Prévost.

Ce qui est le plus surprenant, c’est que l’administration décide de mettre en selle des projets sans nécessairement promettre leur rentabilité.

Prévost a aussi commencé à prêter gratuitement ses chapiteaux, ses tables et d’autres équipements à ses citoyens via l’application québécoise Partage Club. Avec l’argent de l’éco-contribution, elle a aussi payé l’abonnement à 250 personnes.

Arrêter d’attendre

Au Québec, de nombreuses villes réfléchissent aux solutions pour réduire leurs émissions de carbone.

L’automne dernier, Prévost a été la première à interdire certains types d’utilisation du gaz naturel ou du gaz naturel renouvelable dans les nouveaux bâtiments résidentiels et institutionnels, excluant les cuisinières au gaz et les barbecues.

Énergir, qui distribue la très grande majorité de ce gaz d’énergie fossile dans la province, a déposé une poursuite en Cour supérieure pour la faire reculer.

La Ville a donc ajouté une précision dans son règlement : elle interdit toujours le remplacement d’un appareil au gaz en fin de vie, sauf si le nouvel équipement fonctionne à la biénergie et à 100 % au gaz naturel renouvelable. La bataille judiciaire s’est terminée et Prévost a pu aller de l'avant. 

Quelques autres villes, comme Montréal, ont adopté une réglementation semblable et peuvent bénéficier de leur droit acquis. Mais aujourd’hui, elles auraient pu avoir de la difficulté à procéder parce que le ministère de l'Énergie doit désormais donner son feu vert avant.

On aurait pu attendre après Montréal, mais il aurait été trop tard, explique Frédérick Marceau. On a décidé consciemment il y a sept ans, quand le maire est rentré, qu'on arrêtait d'attendre après les autres.

Prévost n’attend plus. Elle est bien consciente que son influence a des limites, mais elle ne semble pas découragée. Son plan environnemental contient 160 actions.

Avec la collaboration de Justine Grenier

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