MORT ACCIDENTELLE POUR UN CORONER, MAIS PAS POUR L’ASSUREUR

Une mauvaise chute aura eu raison de Robert Laframboise, mort à l’âge de 75 ans. L’homme originaire de Gatineau n’aurait pas pu se douter que cet accident plongerait sa famille en plein cœur d’un différend avec Desjardins Assurances.

Pendant plus de 25 ans, M. Laframboise a souscrit à une assurance solde de carte de crédit auprès de Desjardins, raconte sa fille Julie Laframboise. Ce type d’assurance rembourse le solde de votre carte de crédit en cas d'imprévu comme une perte d'emploi, une maladie grave ou un décès par exemple.

La sécurité d'avoir pris une assurance, je pense que pour lui c'était: "OK, s'il m'arrivait quelque chose, au moins ils n’auront pas ça à payer", dit-elle.

L’assureur a toutefois informé sa famille qu’à partir de 70 ans, la couverture pour mort naturelle de leur père n’était plus en vigueur.

[NDLR: Desjardins Assurances] On ne paie plus pour l'assurance-vie. Par contre, si on a une preuve que c'est accidentel, on va payer, relate Julie Laframboise.

Le problème, c’est que Desjardins Assurances a refusé de rembourser le solde de la carte de crédit du défunt expliquant qu’il n’était pas décédé d’un accident, mais plutôt suite à une dégradation de son état général, écrit l'institution financière dans sa lettre de refus.

Une mort accidentelle, selon un rapport du coroner

Pourtant, un coroner a conclu que Robert Laframboise était bel et bien mort accidentellement, le 13 mai 2023.

Mon père, il s'est enfargé dans son chien [donc] il est tombé sur les fesses, ce qui a créé une hémorragie cérébrale. Et là, il est rentré à l'hôpital et il est décédé 12 heures après, raconte Julie Laframboise.

Dans son rapport, le coroner a confirmé qu’il est décédé d’un traumatisme craniocérébral consécutivement à une ou plusieurs chutes et conclut qu’il s’agissait d’un décès accidentel.

Un premier assureur, la Banque Nationale Assurances, a accepté de rembourser le solde de 7344 $ de la carte de crédit de M. Laframboise.

De son côté, Desjardins Assurances a refusé de payer.

L’assureur a considéré que la mort de Robert Laframboise n’était pas accidentelle, car il avait été hospitalisé deux semaines avant son décès pour une autre chute causée par son anémie.

Selon le contrat d’assurance pour que le décès soit considéré comme étant accidentel, il doit provenir d’une cause extérieure et résulter directement et uniquement de l’accident.

Après une révision, Desjardins Assurances a maintenu son refus puisque les circonstances du décès ne [répondaient] pas à la définition du terme "accident" du contrat d’assurance.

Desjardins Assurances change de position

Contacté par La facture, Desjardins a répondu ne pas accorder d’entrevue sur les cas particuliers.

Toutefois, Desjardins a déclaré avoir réexaminé le dossier. L’assureur a finalement décidé de payer le solde de 8410 $ sur la bonne foi de la famille qui affirme qu’un chien aurait causé la chute.

Une information qui n'était pas détaillée dans le rapport du coroner, mais qui a pourtant été fournie par la famille à Desjardins, il y a plusieurs mois.

Ce revirement de situation a surpris Julie Laframboise.

C'est sûr que ça n'a pas été simple parce qu'on a eu à faire beaucoup d'efforts pour avoir droit à ce remboursement-là. C'est dommage qu'on soit obligé de forcer, de pousser ces grosses compagnies-là à payer, déplore-t-elle, tout de même heureuse de ce changement de position.

Desjardins a informé La facture que son assurance solde est en révision afin d'étendre la couverture au-delà de 70 ans, peu importe la cause du décès qu'il soit accidentel ou naturel.

Des experts ne recommandent pas ce type d’assurance

La codirectrice générale de l’Union des consommateurs, Sophie Roussin, ne recommande généralement pas de souscrire à une assurance solde de carte de crédit.

Certaines assurances, en cas de décès ou de maladie grave, vont effectivement payer l'entièreté du solde. Mais dans toutes les autres situations, ce qui arrive beaucoup plus souvent en cas d'invalidité par exemple, ils vont payer un pourcentage du solde [...] qui est très faible, voire uniquement le paiement minimum, explique-t-elle.

Elle ajoute que souvent, les gens paient ce type d’assurance sans s’en rendre compte, croyant qu’ils n’ont pas le choix de prendre l’assurance pour adhérer à une carte de crédit.

Par ailleurs, plus on vieillit, plus les protections tombent, soutient pour sa part l’avocate et experte en droit des assurances, Jacqueline Bissonnette.

Par exemple, à l’heure actuelle chez Desjardins, les protections invalidité, perte d’emploi et maladies graves prennent fin à l’âge de 65 ans.

La protection en cas de décès naturel cesse ensuite à 70 ans. Si bien qu’à partir de cet âge, il ne reste que la protection en cas d’accident, même si la prime demeure la même.

C'est une police qui va dans le temps, plus vous vieillissez [plus elle] devient sans intérêt, déplore Me Bissonnette.

D’après un reportage de La facture avec les informations de Katherine Tremblay et Kim Chabot

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