PROMESSES BRISéES POUR DES RéSIDENTS D’IQALUIT QUI ESPéRAIENT DEVENIR PROPRIéTAIRES

Une dizaine d’employés du gouvernement du Nunavut qui avaient entamé des procédures pour acheter une propriété à travers le programme territorial de copropriétés ont été informés que ces logements n’étaient plus à vendre, bien qu’ils y logeaient depuis plusieurs années.

Mosha Cote, un résident d’Iqaluit et employé du gouvernement du Nunavut, raconte avoir poussé un soupir de soulagement lorsqu'il a finalement signé l’accord de vente et d’achat de son appartement en copropriété, en juillet 2023, soit près de quatre ans après y avoir emménagé.

Ce sentiment s’est toutefois subitement dissipé quand, au mois d’avril 2024, la Société d’habitation du Nunavut l’a informé que le logement n’était finalement plus à vendre et qu’il serait converti en appartement locatif du gouvernement du territorial.

Ça a vraiment été un coup de massue, affirme Mosha Cote.

Sa famille et lui font partie des 11 ménages qui ont commencé à emménager dans les unités 4096 et 4096B de la rue Aput Court, dès décembre 2019, dans le cadre du programme de copropriétés pour le personnel du gouvernement du Nunavut.

Les résidents ont pris possession de leur appartement sans avoir préalablement signé de contrat, bien qu’on leur ait dit à plusieurs reprises qu'ils ne tarderaient pas.

Lancé en 2017, ce programme de la SHN promettait aux résidents l’achat de propriétés à des prix inférieurs à ceux du marché immobilier dans le but de favoriser la rétention de personnel et d’aider les travailleurs à accéder à la propriété.

Après avoir emménagé avec sa famille dans ce qu’ils croyaient être leur logement, Mosha Cote affirme avoir investi une somme considérable, notamment dans la réparation des conduits pour la ventilation.

Il y a littéralement du sang, de la sueur et des larmes dans ce logement, soutient-il, en ajoutant avoir dû jongler entre trois emplois pour parvenir à joindre les deux bouts.

Or, au mois d’avril, la SHN a annoncé aux résidents que leur association de copropriétaires était dissoute et que les 36 appartements de la rue Aput Court seraient transformés en logements locatifs pour les employés du gouvernement territorial.

Le PDG de la SHN, Eiryn Devereaux, justifie notamment cette décision par le faible taux de participation au programme de copropriétés pour le personnel et la pénurie de logements locatifs après la démolition d'un autre bâtiment utilisé comme logement pour le personnel.

Plusieurs années de retard

Catherine Tardiff est elle aussi au nombre des résidents qui ont emménagé en décembre 2019 dans un des appartements de la rue Aput Court. J’étais vraiment emballée à l’idée d’avoir mon propre logement, se souvient-elle. Elle affirme que l’accès à une propriété lui était gage d’indépendance, car elle n’aurait plus à compter sur un logement fourni par son employeur.

En janvier 2023, la SHN a communiqué avec elle pour lui demander si elle souhaitait toujours acheter l’appartement dans lequel elle était établie avec sa famille depuis plus de trois ans ou si elle souhaitait plutôt le louer.

Sans nouvelles pendant plusieurs années, puis contrainte de prendre une décision dans un délai restreint, elle s’est ultimement résolue à le louer à contre-coeur. J’ai senti qu’on me poussait à prendre une décision à la hâte, dit-elle. On m’a dit que si je ne signais pas le bail, je n’aurais plus de logement.

À la tête de la SHN depuis 2022, Eiryn Devereaux associe notamment les retards des accords de vente et d’achat à la pandémie de COVID-19.

Il affirme qu’il aurait souhaité que les choses se passent autrement. Selon lui, les résidents auraient dû signer un accord, comme un contrat d’occupation provisoire ou un contrat d’achat, dès la prise de possession de leur logement.

Négligence imprudente et délibérée, dénonce une plainte

Des documents de la firme comptable MNP obtenus par CBC en vertu de la Loi sur l’accès à l’information montrent que l’association de copropriétaires se heurtait à de nombreux défis avant qu’elle ne soit dissoute, au printemps.

L’entreprise a été embauchée par le gouvernement du Nunavut pour enquêter sur une plainte déposée un an plus tôt pour négligence imprudente et délibérée de l’association de copropriétaires, connue sous le nom d'Iqaluit Condominium Corporation No. 17 (ICC17).

Dans son analyse, la firme a constaté que la SHN ne suivait pas les activités financières de l'ICC17 et qu'aucun compte bancaire spécifique ne lui était associé avant juillet 2022.

L’ICC17 a été constituée en mars 2020, soit environ quatre mois après l’arrivée des premiers résidents. Certains d’entre eux se faisaient facturer des frais de copropriété avant même que l’association ne soit formée.

La firme n’a pas trouvé de preuve de violation du code d’éthique du gouvernement, mais elle a constaté que la SHN n’avait pas respecté plusieurs principes directeurs lorsqu’elle a promis aux résidents que les accords de vente et d’achat étaient imminents.

De nombreux membres du personnel impliqués dans le programme de copropriétés pour le personnel ont, depuis, quitté leurs fonctions.

Eiryn Devereaux est quant à lui devenu le PDG de la SHN après le début de l'enquête de la firme MNP. Il admet qu’il n’est pas habituel de permettre à des résidents d’occuper un logement sans accord écrit, mais il assure que la Société effectue désormais un suivi des activités financières.

11 appartements toujours en vente à Iqaluit

Les 36 logements de la rue Aput Court n’étaient pas les seuls inclus dans le programme de copropriétés. C’est aussi le cas des bâtiments 5196 et 5198 de la rue Qajisarvik, sur le Plateau, qui comportent 24 appartements de deux chambres à coucher, dont 11 sont actuellement disponibles.

Cette fois, la vente est ouverte à tous les résidents du Nunavut et ne se limite pas seulement aux employés du gouvernement territorial.

Selon Eiryn Devereaux, la SHN a encouragé les résidents de la rue Aput Court à faire une offre d'achat.

Mosha Cote affirme toutefois la taille de ces logements ne convient pas à sa famille de cinq personnes. Il affirme par ailleurs que le marché de l’immobilier est désormais hors de sa portée.

J'aurai bientôt 50 ans et [le programme de copropriétés] était ma seule voie pour accéder à la propriété, regrette-t-il.

Avec les informations de Samuel Wat

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