QUéBEC VEUT SERRER LA VIS AUX ASSUREURS POUR DIMINUER LA PAPERASSE MéDICALE

Québec compte déposer un projet de loi pour interdire aux compagnies d’assurances d’exiger une ordonnance médicale pour le remboursement d’une aide technique, comme une canne ou des bas de contention. Il veut aussi réduire le nombre de visites chez le médecin imposées aux assurés recevant des prestations d’invalidité. Se faisant, le gouvernement estime pouvoir récupérer 500 000 rendez-vous par année. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes se dit « favorable » au projet de loi, mais croit que des « exceptions » doivent y être prévues.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, et le ministre du Travail, Jean Boulet, ont confirmé leur intention de serrer la vis aux compagnies d’assurances lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale mercredi. « On veut surtout éviter les abus, diminuer la paperasse, a dit Jean Boulet. L’objectif, c’est d’améliorer l’accès [à un médecin de famille] ».

Selon lui, des visites « à tout bout de champ » chez le médecin ne sont pas nécessaires pour une personne en épuisement professionnel recevant des prestations d’invalidité. « Quelqu’un qui a une fracture et que le médecin lui dit: “Ça ne sera pas guéri avant deux mois ou trois mois”, qu’on ne lui demande pas d’aller revoir le médecin dans deux semaines ou toutes les trois semaines », a-t-il ajouté.

La « paperasse » occupe environ 25 % du temps des médecins de famille. Pour la diminuer, le gouvernement a annoncé en février que les médecins n’auront plus à remplir un formulaire pour les demandes d’hébergement de soins de longue durée, document déjà rempli par un travailleur social ou une physiothérapeute. Dorénavant, les médecins détermineront eux-mêmes quand un rendez-vous de suivi doit être effectué auprès de patients indemnisés par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

En mêlée de presse mercredi, Jean Boulet a répété que « la fréquence et la pertinence » des consultations médicales des personnes assurées relèveront du « jugement clinique des médecins ».

Grâce à cette mesure, Christian Dubé calcule que 500 000 rendez-vous médicaux additionnels par année pourront être offerts à la population. « Il y a à peu près quatre millions de Québécois qui ont un assureur privé, a-t-il dit. Il y a déjà 90 % des compagnies d’assurances qui n’exigeaient pas ces rendez-vous. Mettez 10 % de quatre millions, vous avez déjà 400 000 rendez-vous une fois par année pour ce genre de choses. Et ça n’inclut pas les instruments, les cannes, etc. »

Questionné sur la hausse possible des primes d’assurance en réaction à cette mesure, Jean Boulet a répondu ne « pas pouvoir donner de garantie » aux assurés qu’il n’y aurait pas d’augmentation. « Est-ce qu’il est possible qu’il y ait un impact ? Je ne suis pas en mesure d’évaluer », a-t-il dit, précisant que les compagnies d’assurances ont été consultées pour ce futur projet de loi.

Les assureurs réagissent

Invitée à réagir, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) affirme être « favorable à la réduction de la paperasse administrative des médecins ». « Dans les cas clairs de problèmes physiques comme une fracture, dans la réalité, déjà, l’assureur ne demande pas au patient d’aller voir son médecin toutes les deux semaines », dit la présidente de la section Québec de l’ACCAP, Lyne Duhaime. « Ça, c’est déjà la pratique. Pour cet aspect-là, on n’est pas très inquiets. »

Mais l’ACCAP croit que le futur projet de loi devra comporter « quelques exceptions », notamment en ce qui a trait à la couverture des appareils médicaux. Une ordonnance médicale devrait alors demeurer requise. « Bien sûr [quand] on parle d’une canne ou de béquilles, il n’y a pas trop de soucis, affirme Lyne Duhaime. Il n’y a personne qui s’en va acheter des béquilles ou en louer quand il n’en a pas besoin. »

« Par contre, il y a d’autres produits dispendieux où là, il pourrait potentiellement avoir de l’abus. Par exemple, des orthèses ou des lits très dispendieux destinés aux gens qui ont des problèmes de santé importants. »

L’ACCAP juge qu’il faut garder en place « certains moyens de contrôle ». « L’objectif, c’est d’arriver à éliminer les rendez-vous à faible valeur sans augmenter les primes d’assurances collectives », pense Mme Duhaime. Si des gens demeurent en invalidité « beaucoup plus longtemps que par le passé parce qu’il n’y a plus de moyens de contrôle », poursuit-elle, « bien entendu que ça aurait un effet à la hausse sur les primes d’assurances ».

« Un pas dans la bonne direction »

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), elle, juge que mettre fin à l’exigence de « certains billets médicaux par les compagnies d’assurances est un pas dans la bonne direction ». « Toutefois, le gouvernement devrait faire un pas de plus en interdisant notamment et clairement aux compagnies d’assurances d’exiger des billets médicaux pour les absences de moins de 5 jours », écrit le syndicat sur le réseau social X.

La FMOQ dit aussi se « questionner » sur « les 500 000 rendez-vous prétendument dégagés par cette mesure ». « Ce chiffre nous semble exagéré à première vue, et nous attendons que le ministre explique sa méthodologie », ajoute la Fédération.

En mêlée de presse mercredi, le ministre Christian Dubé s’est réjoui de pouvoir éliminer des rendez-vous non requis. Il a toutefois précisé qu’il fallait aussi travailler sur l’« offre » de consultations par les médecins. Le ministre aura accès aux données de ceux-ci à partir du 23 mai prochain, date de l’entrée en vigueur du projet de loi 11.

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