UN AGRONOME BRISE SA PROMESSE DE NE PLUS éPANDRE DE FUMIER HUMAIN

Si Juan Maria Chiabrera est connu de son syndic et du ministère de l’Environnement, ce n’est pas parce qu’il est membre de l’Ordre des agronomes depuis dix-huit ans sans antécédent disciplinaire jusqu’ici.

C’est plutôt parce qu’il est le premier agronome de l’histoire de l’Ordre à avouer avoir trahi sa parole.

Et advenant que le Conseil de discipline suive la recommandation conjointe faite à la juge, il deviendra le premier agronome du Québec à être mis à l’amende et radié pour ne pas avoir respecté ses engagements auprès de son syndic.

De 2011 à 2015, M. Chiabrera est inscrit au registre des lobbyistes du Québec pour des démarches en vue d'amener différentes institutions municipales à revoir leur gestion de matière organique sur leur territoire et favoriser les différents modes de valorisation agricole (ex : recyclage de déchets en fertilisant ).

Juan Maria Chiabrera écope, en 2016 et 2017, de deux amendes pour avoir déchargé illégalement des matières résiduelles à Sherbrooke. Il a également participé à l’épandage non conforme de biosolides municipaux à moins de 50 mètres d’une maison d’habitation dans Brome-Missisquoi.

Il a dû payer 10 000 $ pour ces deux avis de non-conformité.

Les biosolides, aussi appelés matières résiduelles fertilisantes (MRF), constituent la matière solide qui résulte du traitement des eaux usées. Le gouvernement les recommande comme fertilisant en agriculture, sous certaines conditions.

Ces matières soulèvent de nombreuses préoccupations puisqu’elles peuvent contenir des contaminants éternels, des PFAS.

En raison de leurs odeurs nauséabondes et de la présence de polluants, il est important de respecter certaines distances avec les cours d’eau et les habitations.

Promesse non tenue

L’agronome signe en 2021 un engagement écrit à son syndic dans lequel il promet de ne plus recommander de biosolides, des matières résiduelles fertilisantes (MRF) issues du processus de traitement des eaux usées. Je m’engage à ne plus exercer la profession d’agronome dans le secteur des MRF à compter du 1er novembre 2021, déclarait-il.

Or, en un an seulement et malgré son engagement, l’agronome a tout de même signé 22 projets totalisant 73 000 tonnes de matières à épandre dans des champs. Il s'agit de l’équivalent de 2430 cargaisons de camions semi-remorques remplis de biosolides.

Les sanctions administratives s’accumulent. À l’été 2021, le ministère lui ordonne de payer 1000 $ pour le stockage illégal des biosolides à Stanbridge-East, en Estrie.

L’été suivant, une amende de 5000 $ lui est imposée pour avoir déchargé les biosolides près d’un cours d’eau à Venise-en-Québec.

Pas de fumier sans feu?

En juin 2021, une inspectrice du ministère de l’Environnement se rend sur la ferme d’un client de Juan Maria Chiabrera. Une visite de routine.

Le rapport de l’agronome stipule qu’il y a présence de fumier animal. Or, en s’entretenant avec le propriétaire de la ferme, l’inspectrice apprend qu’il n’y a plus d’animaux sur les lieux depuis trois ans.

Comment peut-il y avoir du fumier animal sans la présence d’un animal? Impossible.

Le ministère informe alors le bureau du syndic de l’Ordre de cette anomalie. Une enquête est lancée à la lumière de cette fausse déclaration. Un expert est mandaté pour analyser l’affaire. Il conclut que plusieurs règles n’ont pas été respectées. Plusieurs éléments du rapport de l’agronome sont absents ou incomplets. Le document présente des informations contradictoires.

Durant son procès devant le Conseil de discipline, Juan Maria Chiabrera a confié que le volet administratif de son emploi n’était pas sa plus grande force et qu’il est davantage un agronome de terrain. Il a indiqué à la juge qu’il tiendra compte des reproches qui lui sont adressés à l'avenir.

Lors de son audience, Juan Maria Chiabrera a plaidé coupable aux deux chefs qui pesaient contre lui. 

Dans sa plaidoirie, l'avocat du syndic Me Lanctôt a mentionné que la radiation de trois mois demandée par les parties et les 20 000 $ d’amendes et de frais ne représentent pas une sanction historique. Elle serait, selon lui, le reflet de la jurisprudence.

Par ailleurs, comme il n’existait aucun cas similaire parmi la profession d’agronome, l’avocat s’est tourné du côté de la jurisprudence chez les médecins.

L’avocat du syndic espère envoyer un message d’exemplarité à l’ensemble de la profession. La juge a pris l’affaire en délibéré et dispose de 90 jours pour rendre sa décision écrite.

Un autre agronome déjà radié

En juillet 2022, le Conseil de discipline de l’Ordre des agronomes a radié pendant deux mois M. Mamadou Ari Tchougoune en lien avec un projet d’épandage de biosolides. On lui reproche des manquements objectivement graves et de s’être placé en conflit d’intérêts.

Ses rapports, lit-on dans le jugement, étaient truffés d’omissions importantes, de sorte que la protection des cours d’eau, des puits et des maisons d’habitation voisines ont été mises en péril.

En ce qui concerne M. Chiabrera, la juge dispose de 90 jours pour rendre sa décision écrite.

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