UNE STRATéGIE PARTIELLE ET DES PROJETS PILOTES POUR LE CARIBOU

Le gouvernement du Québec entend dévoiler sous peu une stratégie de protection de l'habitat du caribou, mais elle sera partielle et accompagnée de mesures intérimaires, le temps d'accoucher de la version intégrale du plan attendu depuis plus de cinq ans. Les régions de Charlevoix et de la Gaspésie serviraient notamment de projets pilotes.

Ces informations ont été corroborées à Radio-Canada par plusieurs sources au cours des dernières heures. Si tout se passe comme prévu, le gouvernement Legault prévoit soumettre ses plans au prochain conseil des ministres, ce mercredi.

Considérant les derniers rebondissements, plus personne n'ose cependant s'avancer avec confiance. Je vais le croire quand je vais le voir, a indiqué une source près du dossier.

La stratégie de protection du caribou forestier et montagnard était prête dès décembre dernier, après des ajustements forcés par les feux de forêt de l'été 2023. Elle n'a cependant jamais passé l'étape de la consultation interministérielle, avant d'être carrément retirée de l'agenda au cours de l'hiver.

Plusieurs élus se sont en effet opposés au plan présenté par le ministre de l'Environnement, Benoit Charette. Ils craignent des répercussions économiques trop importantes, en particulier sur l'industrie forestière et ses 55 000 emplois au Québec. Le ministre de l'Économie et de l'Innovation, Pierre Fitzgibbon, a aussi manifesté ses inquiétudes et promis de protéger les travailleurs forestiers.

Bien avant ces énièmes changements de cap, la stratégie devait être présentée en 2018, puis en 2019, avant d'être repoussée à plusieurs reprises au cours des deux mandats de la Coalition avenir Québec.

Échéance fédérale

Ce récent développement survient alors que le gouvernement fédéral a fixé, en mars dernier, une nouvelle date butoir au Québec. Le fédéral exige des mesures supplémentaires de protection de l'habitat du caribou forestier et montagnard depuis près de trois ans maintenant.

Ottawa, par la voix du ministre de l'Environnement Steven Guilbeault, a donné jusqu'au 1er mai à la province pour lui acheminer un plan. Je suis très préoccupé par ces délais supplémentaires compte tenu de la situation extrêmement précaire de cette espèce et de la nécessité de mettre en œuvre rapidement des mesures de conservation concrètes et ambitieuses, écrivait M. Guilbeault dans une lettre envoyée à son homologue provincial Benoit Charette.

Le ministre Guilbeault est légalement tenu, en vertu de la Loi sur les espèces en péril au Canada, d'intervenir si une province n'en fait pas assez pour protéger une espèce assujettie, dans ce cas-ci le caribou. Il a lancé deux mécanismes distincts, le premier prévoyant un décret de protection de l'habitat essentiel, et le second concernant des décrets d'urgence en cas de menace imminente.

Le conseil des ministres du gouvernement fédéral doit se rencontrer d'ici la mi-juin. Québec avait donc jusqu'au 1er mai pour fournir davantage de documentation.

Selon nos sources, le fédéral n'aura vraisemblablement pas accès à l'ensemble de la stratégie. Québec devrait plutôt lui acheminer une série de mesures intérimaires ainsi que des plans plus précis pour 2 des 13 hardes québécoises. Ces éléments seront analysés s'ils sont envoyés avant la date limite, indique le cabinet de Steven Guilbeault.

Projets pilotes

Le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), Benoit Charette, préparerait des projets pilotes pour deux troupeaux de caribous en situation précaire. Ces projets serviront ensuite à mesurer la réception de la stratégie, a-t-on mentionné à Radio-Canada.

Toujours selon nos informations, les secteurs choisis comportaient moins de résistance localement. Des régions comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord auraient été écartées en raison des fortes pressions l'industrie forestière et de certains élus locaux.

Le premier projet pilote toucherait donc l'habitat essentiel du caribou montagnard de la Gaspésie, un écotype distinct des autres caribous du Québec et dont il ne reste qu'une trentaine d'individus au sein de la harde. Au moins deux sources bien au fait du projet ont confirmé que des discussions étaient en cours.

L'autre troupe touchée serait celle de Charlevoix. Là-bas, l'ensemble de la harde vit en enclos depuis l'hiver 2022, dans le parc national des Grands-Jardins. Après 11 naissances l'an dernier, la harde a atteint 31 individus, un sommet depuis un creux historique mesuré à 16 individus.

En attendant une stratégie de protection de l'habitat, le Québec mène des opérations intensives de contrôle des prédateurs pour protéger les femelles et les faons de ces deux groupes.

En Gaspésie, le MELCCFPcapture les femelles gestantes depuis deux hivers afin de les placer en enclos de maternité en prévision de la mise-bas du printemps.

La fermeture de chemins forestiers figure également parmi les mesures intérimaires pour restaurer l'habitat.

Habitats fauniques et usages

Selon ce qui est projeté par Québec, la stratégie de protection du caribou forestier et montagnard doit être accompagnée de modifications au Règlement sur les habitats fauniques.

Annexé à la Loi sur la conservation de la faune du Québec, ce règlement détermine les habitats légalement protégés pour certaines espèces vulnérables ou menacées. ll vient ensuite baliser les activités industrielles qui peuvent y être exercées. Des normes relatives à l'exploration minière, à la récolte forestière et aux activités récréatives sont notamment déterminées.

En échange d'une meilleure protection de l'habitat sur une plus large superficie, certains usages pourraient être permis, selon les particularités régionales.

Québec s'est toutefois engagé à limiter à 35 % le taux de perturbation dans l'habitat essentiel de chacune des 13 hardes de caribous forestiers et montagnards sur son territoire.

Le cas de la Gaspésie

La stratégie de protection du caribou est attendue avec impatience par le milieu récréotouristique en Haute-Gaspésie. En mars dernier, le préfet de la MRC, Guy Bernatchez, réclamait l'heure juste et la fin du supplice de la goutte d'eau.

L'industrie du tourisme y demande l'accès aux sommets gaspésiens au-delà des 600 mètres d'altitude. Ces zones sont cependant protégées, car elles font partie de l'aire de répartition du cervidé.

L'idée est de permettre l'accès aux monts Chic-Chocs et McGerrigle pour la pratique du plein air non motorisé en l'absence de caribou montagnard et d'appliquer des restrictions seulement lorsqu'il y a présence d'individus, déclarait la MRC. Le préfet n'a pas souhaité commenter mardi, mais continue d'espérer un plan plus précis ce printemps.

Le parc national de la Gaspésie figure à l'aire de répartition du caribou montagnard. Toute activité industrielle y est de facto interdite.

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