DES MUSULMANS SONT DéçUS DES POSITIONS DE POILIEVRE SUR LA GUERRE AU PROCHE-ORIENT

OTTAWA — Un porte-parole d'un groupe régional de défense des musulmans en Ontario estime que la position du chef conservateur Pierre Poilievre sur la guerre entre Israël et le Hamas pourrait compliquer les relations de son parti avec les électeurs musulmans.

Nawaz Tahir, du «Hikma Public Affairs Council» à London, avait rencontré l'été dernier M. Poilievre, qui tentait alors de tisser des liens avec les communautés dans le sud-ouest de l'Ontario.

M. Tahir croit que le chef conservateur a raté des occasions de faire preuve de compassion envers les musulmans et que l'établissement de liens pourrait être, selon ses termes, «beaucoup plus difficile maintenant».

La réticence de M. Poilievre à appeler à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza est apparue en janvier lorsque le député conservateur albertain Garnett Genuis a rencontré des membres des communautés pakistanaises et musulmanes de Mississauga, en banlieue de Toronto.

Dans une vidéo de près d'une heure partagée sur les réseaux sociaux, M. Genuis admet que la position du parti n'est peut-être pas acceptée à «100 %», et il affirme qu'il est «crucial» de vaincre le Hamas pour établir une paix durable dans la région pour les Palestiniens.

On lui demande ensuite pourquoi aucun député conservateur ne faisait partie d'une délégation de députés libéraux et néo-démocrates qui s'est rendue en Cisjordanie l'automne dernier. M. Genuis répond qu'il n'en est pas sûr, mais qu'il avait lui-même visité les territoires palestiniens il y a plusieurs années et que ce voyage «lui avait vraiment ouvert les yeux».

M. Genuis participait à cet événement à Mississauga pour mousser un projet de loi déposé au Sénat qui obligerait les sites pornographiques en ligne à vérifier l'âge des utilisateurs, dans le but de protéger les mineurs. Le député albertain a plaidé devant ce petit groupe que la communauté musulmane pourrait jouer «un rôle crucial» dans l'adoption de ce projet de loi, même si cette communauté appuie généralement les libéraux fédéraux plutôt que les conservateurs. 

Or, les conservateurs voient dans la défense des «droits parentaux» une façon d'obtenir des appuis chez les musulmans. Ces «droits parentaux» font référence à de vastes préoccupations concernant ce que les enfants apprennent à l'école sur des enjeux LGBTQ+. Ces préoccupations sociales ont été reprises par plusieurs organisations musulmanes majeures.

Poilievre dans une congrégation juive

Un porte-parole conservateur précise que M. Poilievre a déclaré clairement qu'Israël avait le droit de se défendre et que les Palestiniens avaient besoin d'une aide humanitaire «en raison de la guerre déclenchée par le Hamas».

Sebastian Skamski a également rappelé le discours prononcé mardi soir par le chef conservateur devant la congrégation Beth Israël Beth Aaron, à Montréal, où M. Poilievre a abordé la question de front. «Je veux que vous sachiez: je dis toutes ces choses dans les mosquées. Je vais dans les mosquées. J'aime rencontrer les musulmans, ce sont des gens merveilleux», a-t-il dit d'emblée.

Il a poursuivi en disant que lorsque la question d'Israël est soulevée, «je dis: 'Je vais être franc avec vous: je suis un ami de l'État d'Israël et je serai un ami de l'État d'Israël partout où je vais'.»

M. Poilievre a soutenu que cette position allait à l'encontre de l'approche adoptée par le premier ministre Justin Trudeau, qu'il accuse d'embrouiller la position de son gouvernement.

«Bien que cela puisse être avantageux politiquement d'avoir un député qui dit la bonne chose afin de récupérer un siège et de maintenir Justin Trudeau au pouvoir, cela ne résout pas le problème de faire en sorte que le Canada adopte une position juste et fondée sur des principes», a déclaré le chef conservateur mardi, dans l'arrondissement montréalais de Côte-Saint-Luc.

Les conservateurs ont tenté d'entretenir les relations du parti avec les musulmans et d'autres communautés dans le cadre d'un effort global visant à accroître leur soutien parmi les nouveaux arrivants et les communautés religieuses au pays.

M. Skamski soutient que M. Poilievre a rencontré des milliers de Canadiens musulmans depuis qu'il est chef du parti et qu'il a tissé des liens autour de leurs valeurs communes de «foi, famille et liberté».

«Vous ne pouvez pas parler aux Canadiens musulmans de foi, de valeurs familiales, de toutes ces choses, tout en fermant les yeux sur 30 000 morts», rétorque Nawaz Tahir, à London, faisant référence au nombre de personnes tuées dans la bande de Gaza depuis le début des bombardements d'Israël en octobre.

M. Tahir estime aussi que bien des musulmans ont été déçus par l'opposition de M. Poilievre au financement de l'agence humanitaire UNRWA. 

Le Canada a été en janvier l'un des 16 pays à geler le financement de l'Organisation des Nations unies, après qu'Israël a allégué qu'une douzaine de ses employés avaient participé aux attaques du Hamas le 6 octobre. Après avoir eu accès à un rapport d'étape sur ces allégations, le Canada a rétabli son financement à l'UNRWA, choisissant de procéder au versement de 25 millions $ dû en avril.

M. Poilievre a également rejeté la plainte déposée contre Israël devant la Cour internationale de justice, et M. Tahir soutient que cette décision avait également créé des insatisfactions chez les musulmans.

«Nous n'oublierons pas, a déclaré M. Tahir dans une récente entrevue. Il n'y a aucune chance que la communauté musulmane oublie la position conservatrice.»

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne

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