DéSINTOXICATION FORCéE : UN TRAVAILLEUR DE RUE INQUIET DU PROJET DE LOI DE HIGGS

Un travailleur de rue, ancien toxicomane, n’en revient pas de voir que le premier ministre du Nouveau-Brunswick veut faire adopter un projet de loi qui vise à forcer les personnes dépendantes aux drogues à suivre un traitement contre leur gré. Selon lui, il s’agit tout simplement d’une approche « contre-productive ».

Kevin Doiron a grandi à Tracadie dans la Péninsule acadienne. Il est devenu toxicomane à l’âge adulte, pendant plusieurs années. Il a même frôlé la mort, dit-il, lors de surdoses.

Il a tenté de se sortir de ce milieu à quelques reprises, sans succès.

J'appelais la désintox, j’avais envie de me suicider, je pleurais, je disais que j’en pouvais plus. On me disait, ''ton nom est sur la liste d’attente''.

Devant le manque de ressources au Nouveau-Brunswick, il choisit de s’établir à Montréal. J’ai repris ma vie en main, je suis devenu intervenant.

Forcer les traitements, une approche contre-productive

Kevin Doiron ne se fait pas d’illusion. La toxicomanie existera toujours, dit-il. Mais l’approche du premier ministre Higgs n’est tout simplement pas la solution.

Aller forcer des gens à aller faire une désintox, alors que ceux qui veulent s’en sortir n’ont pas leur place… Ça va vraiment pas aider d'avoir une approche oppressive comme ça, ajoute-t-il.

Selon lui, les ressources sont déjà insuffisantes pour aider les gens qui veulent bien s’en sortir. Avoir un surplus de gens forcés à suivre des traitements n’aidera en rien ces deux groupes de toxicomanes.

Au début du mois, le ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, Bruce Fitch, estimait que jusqu’à 200 personnes dans la province attendent de trois à huit mois pour recevoir un traitement de désintoxication.

L’approche de réduction des méfaits

Kevin Doiron travaille maintenant comme intervenant dans les rues de Montréal.

Il croit qu’il faut miser sur une approche de réduction des méfaits. Par exemple, cette approche peut inclure la distribution de matériel de consommation stérile et sécuritaire, les services de soutien psychologique, l’aide en recherche d’emploi et de logements, etc.

Offrir de l’aide alimentaire, ça réduit le risque de ''ils vont aller voler dans les magasins'', ajoute-t-il.

Cette approche peut être utilisée surtout lorsqu’une personne n’est pas prête à aller suivre un traitement des dépendances, de façon volontaire. Forcer celle-ci ne l’aidera pas et n’aidera pas le système, selon lui.

Du personnel mieux formé et en plus grand nombre

Il soutient que le recours à des pairs-aidants est essentiel dans cette approche. Il n’y a pas meilleur intervenant qu’une personne qui a déjà vécu ce que le toxicomane est en train de vivre.

Il croit que le jumelage des ressources, comme une équipe composée d’un travailleur social et d’un pair-aidant, peut avoir un énorme impact. Mais il faut que les ressources soient nombreuses et disponibles immédiatement.

Je travaille avec des gens qui ont des cours universitaires. Mon vécu et leur expérience. [...] Ensemble, on fait une très belle équipe et on réussit à aider les gens avec le peu de ressources qu’on a.

Ainsi, Kevin Doiron est d’avis que du personnel mieux formé en soins en santé mentale et en traitement des dépendances, guidés par des pairs-aidants qui ont une expérience en intervention, est la voix à prendre pour diminuer l’impact sur le système de santé.

Ça finit à coûter moins cher au long terme, que les gens qui se présentent à l'urgence chaque semaine.

Le projet de loi qui permettrait aux autorités d’ordonner un traitement en cas de troubles graves liés à l’usage de drogues n’a pas encore été déposé à l’Assemblée législative, mais le premier ministre Higgs a déclaré vouloir qu’il le soit pendant la session parlementaire en cours.

Avec les informations de Louis-Philippe Trozzo

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