FRANçOIS LEGAULT SOUHAITE QUE LE GOUVERNEMENT FéDéRAL TOMBE

QUÉBEC — Le premier ministre François Legault saute à pieds joints dans la politique fédérale et demande au Bloc québécois de renverser le gouvernement Trudeau mardi prochain, ce qui provoquerait des élections fédérales. Le chef bloquiste Yves-François Blanchet n’a pas tardé à lui offrir une fin de non-recevoir.

Lors d'une courte déclaration jeudi matin, M. Legault a laissé entendre qu'il était exaspéré de l'immobilisme du gouvernement Trudeau dans le dossier de la réduction de l'immigration temporaire au Québec.

Il a demandé au chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon de parler au leader de son parti «frère» à Ottawa, Yves-François Blanchet, pour qu'il vote avec le Parti conservateur du Canada contre le gouvernement Trudeau, dans une motion de censure prévue aux Communes mardi prochain.

«Je demande à M. St-Pierre Plamondon d'avoir du courage et de demander à son camarade du Bloc québécois de reculer, de ne pas appuyer le gouvernement Trudeau la semaine prochaine, de défendre les intérêts des Québécois et de la nation québécoise, c'est important ce qui se passe. M. St-Pierre Plamondon a le devoir de se lever debout et d'être courageux et d'interpeller M. Blanchet», a déclaré M. Legault.

Or, le Bloc a déjà dit qu'il allait appuyer le gouvernement Trudeau dans ce vote de confiance. Rappelons que le gouvernement Trudeau est minoritaire et il a besoin de l’appui de l'un des partis d'opposition pour se maintenir au pouvoir.

Puis, jeudi, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a aussi signalé qu'il allait rejeter la motion conservatrice visant à faire tomber le gouvernement Trudeau.

Selon le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, François Legault cherche à se coller aux conservateurs de Pierre Poilievre. «Je ne comprends pas cette tentative désespérée du premier ministre de ne pas avouer simplement avec sincérité que cette hypothèse de mandat fort pour demander les pleins pouvoirs en immigration, ç’a été un échec», a-t-il lancé en point de presse.

Pour M. St-Pierre Plamondon, «Poilievre ou Trudeau, ça va être la même chose pour le Québec».

Rappelons que lors du dernier scrutin fédéral de 2021, François Legault avait appuyé le Parti conservateur fédéral, dirigé alors par Erin O’Toole.

Le lieutenant du Québec pour le Parti conservateur du Canada, Pierre Paul-Hus, ne pense pas que les propos de M. Legault sont un appui pour son parti. «M. Legault veut tout simplement avoir une élection pour permettre d'avoir un autre gouvernement et probablement que ce sera nous», a-t-il dit.

Son chef, Pierre Poilievre, a quant à lui lancé en période des questions que «c'est les conservateurs qui sont de vrais défenseurs du Québec».

Aux yeux du chef néo-démocrate Jagmeet Singh, il est clair qu'un gouvernement de Pierre Poilievre ne serait pas dans l'intérêt des Québécois. «Je veux rappeler à M. le premier ministre Legault, le bilan et l’histoire des conservateurs. Ils veulent couper les services dont les Québécois et Québécoises ont besoin. Ils vont faire mal aux gens au Québec», croit le chef du NPD.

La leader parlementaire des libéraux fédéraux, Karina Gould, s'est pour sa part dite «contente» que M. Singh, en plus de M. Blanchet, décide de rejeter la motion de censure envers le gouvernement, estimant qu'il «a réalisé les conséquences de ses actions».

«Ça fait des années qu'il ne respecte pas le Parlement du Québec»

Selon le ministre des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, le Bloc a agi de manière «prématurée» en disant qu’il allait appuyer le gouvernement Trudeau «avant même d'obtenir des garanties».

«Quand il y a des motions comme celle qui s'en vient, nous on invite tous les députés québécois à soit faire entendre raison au gouvernement fédéral pour qu'il s'engage à respecter les champs de compétences du Québec, notamment en santé, soit voter contre ce gouvernement», a-t-il lancé en mêlée de presse à l’Assemblée nationale jeudi.

M. Roberge en a profité pour envoyer une pointe au ministre fédéral Pablo Rodriguez, qui vient de se lancer dans la course à la chefferie du Parti libéral du Québec. «M. Rodriguez doit se regarder dans le miroir, car il veut siéger à Québec. Ça fait des années qu'il ne respecte pas le Parlement du Québec», a-t-il affirmé.

Interpellé mardi sur la victoire du Bloc québécois dans la partielle de LaSalle–Émard–Verdun, Jean-François Roberge avait alors affirmé qu’il ne faisait «pas de politique fédérale».

«Je ne suis ni conservateur, ni libéral… ni caquiste»

La réponse du chef bloquiste Yves-François Blanchet ne s'est pas fait attendre.

«Ça reste non. Je ne suis ni conservateur, ni libéral… ni caquiste. Je suis chef du Bloc québécois», a-t-il écrit sur le réseau social X.

«Je sers les Québécois, pas les Libéraux, selon mon seul jugement. La motion des Conservateurs ne porte d’ailleurs pas du tout sur l’échec en immigration de Justin Trudeau. On est à l’écoute des motions unanimes de l’Assemblée nationale du Québec. Je l’attendrai», a-t-il ajouté.

En mêlée de presse à Ottawa, M. Blanchet a raillé que lorsque le son parti décidera de faire tomber le gouvernement Trudeau, il aura «l'appui enthousiaste du premier ministre du Québec».

Il a dit être perplexe quant à l'intention de M. Legault, ne se disant pas convaincu que sa sortie ait visé à appuyer un éventuel gouvernement conservateur. «La dernière fois qu'il a voulu jouer à ça, il a payé le prix. Je ne pense pas qu'il est en train de jouer à ça.»

«À quoi ça sert le Bloc québécois?»

Les relations sont tendues entre le gouvernement Legault et le Bloc.

Le 20 février dernier, en pleine période de questions, le premier ministre a remis en question l’utilité du Bloc. «À quoi ça sert le Bloc québécois à Ottawa? Ça sert à quoi? Ça sert à quoi?» avait alors tonné M. Legault, en réponse à une question du chef péquiste.

Le mois suivant, c’était au tour d'Yves-François Blanchet de décocher plusieurs flèches à l’endroit du premier ministre québécois, en affirmant que sa stratégie face au fédéral sur l’immigration et pour récupérer l’argent des transferts en santé n’avait pas fonctionné.

- Avec des informations d'Émilie Bergeron à Ottawa

Patrice Bergeron et Thomas Laberge, La Presse Canadienne

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