NOUVELLE AGENCE POUR LE TRANSPORT COLLECTIF: UNE «PETITE RéVOLUTION», CLAME GUILBAULT

QUÉBEC — La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault a déposé jeudi son projet de loi tant attendu visant à créer Mobilité Infra Québec, qui permettra, selon elle, de faire une «petite révolution» dans le transport collectif. La ministre souhaite que cette nouvelle entité soit composée d’une petite équipe «agile et experte» qui livrera des projets de transports en commun plus rapidement et à moindres coûts. 

Mobilité Infra Québec se verra confier des mandats par le gouvernement. Elle fera «l’analyse d’opportunité, la planification et la réalisation de projets complexes de transport». 

Le projet de loi précise que Mobilité Infra Québec pourra «acquérir, par expropriation, les immeubles qu’elle juge nécessaires dans le cadre de sa mission pour son propre compte ou pour le compte du gouvernement, d’une municipalité locale, d’une société de transport en commun, du Réseau de transport métropolitain ou de l’Autorité régionale de transport métropolitain». 

«On veut avoir les meilleurs»

En point de presse jeudi, la ministre a affirmé qu’il manquait d’expertise pour des projets de transport collectif d’envergure au sein de l’État québécois. Il était donc nécessaire d’aller la chercher ailleurs pour la regrouper au sein de la nouvelle agence. «On veut aller chercher ceux qui, actuellement, travaillent sur d'autres projets ailleurs dans le monde ou dans des firmes privées», a-t-elle dit. 

Mais pourquoi créer une nouvelle agence plutôt que rapatrier ses experts au sein de son ministère ? «C'est une nouvelle culture d'organisation qu'on veut avoir. Vraiment une petite équipe hyper agile, axée sur l'innovation et les résultats (...)  On veut aller chercher une marge de manœuvre pour pouvoir attirer et retenir les meilleurs talents. On veut avoir les meilleurs, mais qui actuellement ne seraient pas intéressés à venir travailler pour nous», a expliqué la ministre. 

Geneviève Guilbault a aussi indiqué vouloir que le gouvernement soit moins dépendant de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ infra). 

«On ne peut pas être dépendant d'eux, car ils n'ont pas une mission de service public comme celle qu'a le gouvernement. S’ils ne sont pas intéressés ou disponibles pour faire tous les projets qu'on veut faire au moment où on veut les faire, on ne peut pas les contraindre parce que la mission de la Caisse de dépôt, c'est d’abord et avant tout de rentabiliser les fonds de retraite», a-t-elle soutenu. 

«Il faut absolument concentrer une expertise de pointe en transport collectif directement au gouvernement du Québec», a-t-elle ajouté. 

La nouvelle agence emploiera entre 30 et 50 personnes et la ministre espère qu’elle sera fonctionnelle en 2025. Geneviève Guilbault estime son coût de fonctionnement à 6 millions $ pour la première année, puis entre 9 et 9,5 millions $ annuellement.  

«Cette nouvelle capacité qu'on se donne comme nation de livrer des projets de transport collectif d'envergure en 2024, c'est une petite révolution», a-t-elle lancé. 

25% plus vite et 15 % moins cher

En parallèle, le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien, a, lui aussi, déposé un projet de loi jeudi pour réformer l'octroi des contrats publics afin de réduire les coûts et les délais de construction des infrastructures. Le ministre souhaite une approche plus «collaborative» avec les entrepreneurs privés. 

Sa stratégie s’articule autour de quatre points : «une planification optimisée, globale et par projet;  un environnement d’affaires plus compétitif; un État plus agile; un meilleur suivi de la performance des projets majeurs et de l’état du parc». 

«Grâce à cette stratégie ambitieuse, nous pourrons construire plus rapidement et à moindre coût des infrastructures de qualité, et ce, au bénéfice de la qualité de vie des citoyens», a indiqué le ministre Julien. 

La pièce législative permettra notamment à un organisme public de conclure, sous certaines conditions, un contrat de gré à gré après un appel d’offres infructueux. 

Jonatan Julien estime pouvoir faire des gains de 25 % en termes de rapidité tout en économisant 15 % des coûts sur les projets d'infrastructure. 

L'opposition sceptique

Réagissant aux deux projets de loi jeudi, le porte-parole de Québec solidaire (QS) en matière de transports et de mobilité durable, Étienne Grandmont, s'en est d'abord pris au bilan de la Coalition avenir Québec (CAQ) qu'il qualifie de «très gênant».

En point de presse à l'Assemblée nationale, il a dénoncé le réflexe de la CAQ de «créer des structures» lorsqu'elle «n'arrive pas à livrer des projets, à régler des problèmes, (...) en espérant que ça aille mieux».    

«Est-ce que ça va permettre d'améliorer les services pour le monde?» a-t-il demandé.

Par ailleurs, M. Grandmont a dit craindre que ces projets de loi n'entraînent une plus grande «privatisation». Il s'inquiète aussi du fait que le conseil d'administration de l'agence pourrait être composé d'entrepreneurs qui représenteront «leurs industries».

Plus tôt dans la journée, le chef de l'opposition officielle, Marc Tanguay, avait accusé la CAQ de dilapider des fonds publics. «On est rendus dans le trou de 11 milliards $ puis ils veulent faire une structure parallèle», s'était-il exclamé.

Du côté du Parti québécois (PQ), on doute également qu'une nouvelle agence va «tout régler magiquement les problèmes en matière de mobilité».

«On a vu, dans les dernières semaines, l'absence absolument totale d'une vision en matière de transport collectif, alors ce n'est pas le dépôt d'un projet de loi qui va changer les choses», a déclaré le député Joël Arseneau. 

«Au pire, ça va tout simplement donner à la ministre une période supplémentaire pour continuer d'y réfléchir, et on va perdre du temps», a-t-il renchéri.

Équiterre a réagi jeudi en affirmant que la nouvelle entité ne réglera pas dans l'immédiat l'enjeu du service de transport collectif et du maintien des actifs.

«Si tu as des bus et des trains qui sentent le cuir neuf, c'est une bonne nouvelle. Mais si tu n'as pas les moyens de les faire rouler, ça ne déplace pas grand monde», a déclaré son directeur des relations gouvernementales, Marc-André Viau.

Plutôt que de créer une nouvelle agence, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) estime que la ministre devrait renforcer l'expertise au sein de son ministère. 

«Avec ce projet de loi, tous les ingrédients sont plutôt réunis pour conduire cette réforme vers une grande noirceur. Qui serait responsable de rendre des comptes à la population pour les retards de mise en chantier de grands projets de transport collectif, pour les dépassements des coûts, pour l’absence de suivi sur l’octroi des dizaines de milliards de dollars en contrats publics?» se questionne le président général du syndicat, Christian Daigle.

Thomas Laberge et Caroline Plante, La Presse Canadienne

2024-05-09T14:36:49Z dg43tfdfdgfd