LE CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME EXHORTE QUéBEC à REVOIR SA RéFORME DU DROIT CONJUGAL

Même si elle « présente des avancées », la réforme projetée du droit conjugal ne va pas assez loin pour protéger les femmes dans les couples en union libre, déplore le Conseil du statut de la femme (CSF) dans un mémoire qui exhorte Québec à « ne pas rater [son] occasion ».

Déposé mercredi dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi 56 « portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale », le document d’une vingtaine de pages lance un avertissement au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette : si elle ne change pas, sa proposition législative maintiendra un régime à deux vitesses servant davantage les personnes unies civilement ou par le mariage que les conjoints de fait.

« Le CSF déplore que les droits et obligations reconnus à des personnes en union de fait soient moindres que ceux qui prévalent pour les personnes mariées », écrit-il.

Des propos qui font écho à ceux des groupes de défense des droits des femmes consultés par Le Devoir il y a un mois. Ces derniers dénonçaient entre autres le choix d’exclure les REER et les fonds de pension du patrimoine commun que formeront les futurs couples en union parentale. « C’est sûr que ça va entraîner certaines injustices », avait alors dit la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Sylvie St-Amand.

Dans son mémoire, le CSF « s’inquiète particulièrement » de cette situation. Il rappelle « que tant les revenus globaux que les revenus de retraite et de placement des femmes de 65 ans et plus sont plus faibles que ceux des hommes ». Selon des données de Statistique Canada citées dans le document, les femmes avaient en moyenne des revenus de retraite de 16 500 $ en 2023, contre 22 800 $ pour les hommes.

« Force est de constater que les femmes sont encore de grandes perdantes au niveau économique lors de la rupture d’une union », a lancé la présidente du CSF, Me Louise Cordeau, de passage en commission parlementaire, mercredi.

En cas de rupture, le CSF recommande donc d’appliquer aux personnes en union parentale les mêmes droits et obligations quant au partage du patrimoine familial qu’aux personnes mariées. En plus des REER et des régimes de retraite, cela inclurait les résidences secondaires et leurs meubles.

Obligation alimentaire

Le projet de loi 56 du ministre Jolin-Barrette ne soumet pas les personnes en union parentale aux obligations alimentaires des personnes mariées, une décision qui avait aussi fait l’objet de critiques le mois dernier.

Dans son mémoire, le CSF déplore aussi le choix du ministre, dans un contexte où l’obligation alimentaire « s’adresse notamment aux personnes — plus souvent des femmes — qui, au cours de leur union, se sont retirées — partiellement ou entièrement — du marché du travail pour prendre soin d’un enfant ou d’un parent en perte d’autonomie ».

Comme il l’avait fait dans la foulée de la publication de l’affaire Eric c. Lola, il recommande à Québec de permettre aux personnes issues d’un couple en union parentale de demander la pension alimentaire après une rupture.

En outre, le conseil propose que les droits et obligations des personnes formant un couple en union libre s’appliquent, « qu’[elles] aient ou non un enfant commun ».

Le projet de loi 56 du ministre Jolin-Barrette aura pour effet, s’il est adopté tel quel, d’instituer un nouveau régime, distinct du mariage et de l’union civile, pour les conjoints de fait qui auront un enfant à partir de juillet 2025.

En commission, mercredi, l’élu de la Coalition avenir Québec a soulevé le risque que la proposition du CSF ait comme conséquence de « marier tout le monde ». C’est pour cette raison, au moment du dépôt du projet de loi, qu’il avait opté pour deux régimes distincts.

« Les personnes mariées ne peuvent pas se retirer du patrimoine familial, qui est d’ordre public, alors que les conjoints de fait pourraient se retirer du partage de patrimoine », a répondu Louise Cordeau au ministre de la Justice.

Les consultations particulières entourant le projet de loi 56 se poursuivent cette semaine et la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Suivra l’étude détaillée, durant laquelle les parlementaires pourront y apporter des modifications.

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