L'annulation de mesures discriminatoires contenues dans la Loi sur les Indiens au fil des ans a entraîné l'enregistrement de près de 3000 nouveaux membres au sein des Ilnus de Mashteuiatsh, soit une augmentation d'environ 30 % en moins de 10 ans.
La réadmission de ces victimes d'injustices historiques, par conséquent souvent déconnectées de leur identité autochtone, comporte son lot de défis. Or, Ottawa s'en lave les mains, déplorent les intervenants du conseil de bande rencontrés par Espaces autochtones.
Être Pekuakamiulnuatsh (nom des Ilnus de Mashteuiatsh) ne se résume pas à la reconnaissance par le gouvernement fédéral, mais comporte aussi plusieurs aspects identitaires et culturels, expliquent la vice-cheffe Guylaine Simard et la conseillère au service aux membres Anne Casavant.
Bien qu'il soit clair pour la communauté située au bord du lac Saint-Jean que les nouveaux membres n'auraient jamais dû perdre leur droit au statut à la base, il demeure certaines craintes face à l'arrivée de milliers de nouveaux Pekuakamiulnuatsh.
Depuis 1985, la Loi sur les Indiens a subi plusieurs réformes visant à éliminer les inégalités basées sur le sexe dans l'obtention du statut d'Indien.
De nombreux cas particuliers existent et doivent être traités comme tel.
Bien que la communauté ne soit pas consultée pendant le processus d'admission des nouveaux membres, leur arrivée massive entraîne plusieurs défis aux niveaux identitaire et financier.
Une fois qu'un membre est inséré au sein des Ilnus de Mashteuiatsh par Service aux autochtones Canada, le conseil de bande a le devoir de lui offrir les mêmes services qu'à ceux qui ont toujours fait partie de la communauté», explique Anne Casavant.
La situation est parfois extrêmement sensible, puisque les motivations à devenir Indien inscrit ne sont pas toujours liées à une volonté d'intégrer l'identité culturelle et les valeurs autochtones.
Tous les Indiens statués ont droit à des services particuliers, et ont accès à des exemptions financières lorsqu'ils résident ou font des achats sur réserves. Nous y avons tous droit, c'est un fait. Là où c'est délicat, c'est lorsqu'il faut distinguer ceux qui ne sont intéressés que par cet aspect de ceux qui souhaitent réellement faire partie intégrante de notre nation, de notre culture, nos coutumes, etc.», explique la conseillère aux services aux membres.
D'autant plus que des projets d'avenir, comme la démarche pour se doter d'une constitution et la négociation d'un traité avec Québec et Ottawa, sont en cours et nécessitent la participation du plus grand nombre de membres possible.
Au projet de constitution, qui vise à définir qui sont les Pekuakamiulnuatsh pour porter plus loin leurs projets de gouvernance, il faudra probablement annexer un code d'appartenance, explique Guylaine Simard. Il s'agit de s'assurer que le respect de la culture et des coutumes spécifiques demeure au cœur du processus.
Bien que complexe, cette situation n'est pas que négative. Pour plusieurs nouveaux membres, le fait d'avoir accès au statut d'Indien a justement entraîné un cheminement de retour aux racines».
C'est le cas du nouveau directeur général adjoint de la communauté, Jean-Denis Bergeron-Simard, qui a obtenu son statut il y a une dizaine d'années.
Pour lui, l'obtention du statut était clairement accompagnée d'un devoir. Je ne pouvais pas [seulement] avoir le statut. Il fallait que j'aille chercher tout ce qui va avec. J’ai commencé à apprendre le Nehlueun [la langue des Ilnus de Mashteuiatsh], je me suis intéressé à l’artisanat et c’est devenu une passion. Je fais du perlage, du tannage de peaux, des capteurs de rêves et des takuhikan [tambours traditionnels].»
M. Bergeron-Simard est d'avis que sa relation avec la communauté va se construire sur plusieurs années, mais il confie que son statut de membre vivant à l'extérieur de la communauté peut également servir d'occasion pour sensibiliser les gens aux réalités autochtones.
Cet aspect a également été soulevé par Guylaine Simard. En arrivant à sensibiliser et à mobiliser les nouveaux membres aux particularités et à la culture des Pekuakamiulnuatsh, alors ils deviennent des ambassadeurs, et ça renforce notre nation», dit-elle.
Il est complexe de décortiquer tous les genres de services qui sont offerts aux Pekuakamiulnuatsh. Parmi ceux-ci, certains sont gérés directement par le gouvernement tandis que d'autres sont délégués au conseil de bande.
En général, le financement des services offerts directement par Ottawa a augmenté de manière proportionnelle, mais c'est loin d'être toujours le cas pour les programmes et services offerts par le conseil de bande.
Plusieurs choses n'ont pas été prises en compte, et nous coûtent beaucoup plus cher qu'avant», explique Guylaine Simard.
Par exemple au niveau des communications. En raison des projets actuels, la communauté doit fréquemment envoyer de la documentation à tous ses membres, puisque leur participation est essentielle.
Avec l'arrivée des nouveaux membres, nous sommes maintenant à 78 % de nos membres qui vivent hors réserve et, seulement pour le projet de constitution, le conseil a dû débourser près de 40 000 $ de sa poche pour distribuer l'information», indique Anne Casavant.
En outre, comme dans la plupart des communautés autochtones du Québec, l'accès au logement est très limité à Mashteuiatsh et une pression supplémentaire se fait maintenant sentir.
La population résidant sur place n'a pas vraiment augmenté depuis les années 1980 [...] et il y a des échos de la communauté qui parlent de surenchère et de saturation du marché», expliquent Anne Casavant et Guylaine Simard.
Que ce soit pour l'offre de services ou l'intégration des membres, la communauté et son organisation politique font face à des décisions d'avenir, dont la complexité est renforcée par l'historique discriminatoire de la Loi sur les Indiens. Bien que leur communauté fasse partie de celles qui sont les plus touchées au pays, les intervenants de Mashteuiatsh considèrent qu'ils n'obtiennent pas un appui adéquat du fédéral malgré sa responsabilité dans le dossier.
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