LE DéPART D’ÉMILISE LESSARD-THERRIEN éBRANLE LE LEADERSHIP DE GND

Le co-porte-parole solidaire Gabriel Nadeau-Dubois (GND) refuse de dire que le départ de sa collègue Émilise Lessard-Therrien affaiblit son leadership. Dans les rangs du parti et à l’intérieur du caucus, à Québec, plusieurs tiennent le discours inverse.

En entrevue, lundi, deux anciens candidats de Québec solidaire (QS), qui s’étaient présentés aux côtés de GND aux élections de 2022, ont invité le principal intéressé à réfléchir à son avenir à la tête du parti, après que Mme Lessard-Therrien a annoncé qu’elle quittait son siège de porte-parole, tôt en matinée.

Selon les informations récoltées par Le Devoir, l’équipe de députés, aussi, est « secouée », et certains espèrent que leur chef parlementaire procédera à une introspection sur son leadership. « Il n’a pas le choix », nous a dit une source au caucus. « Les circonstances nous imposent, des fois, de prendre un pas de recul. »

« Moi, je me questionnerais », a aussi affirmé l’ex-candidat de QS dans Richmond Philippe Pagé, lundi. Ce dernier avait appuyé « [s]on amie » Émilise Lessard-Therrien dans la course pour remplacer Manon Massé comme porte-parole femme de la formation de gauche, l’an dernier. C’est donc sans surprise qu’il a pris connaissance du départ de l’ex-députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, tôt lundi matin.

Dans un message publié sur ses réseaux sociaux, Mme Lessard-Therrien explique avoir tenté, sans succès, d’« insuffler un nouveau souffle au parti ». « Cette vision pour le parti, c’est que notre projet de société soit le plus incarné possible. Je voulais qu’il ne se laisse pas effacer par les habituels compromis, les calculs d’image et les indicateurs de votes », a-t-elle soutenu.

C’était avant de se buter « à un blocage organisationnel, au sein d’un parti qui a été créé pour faire de la politique autrement ».

« Je me suis vite aperçue que le train était déjà bien en marche. J’ai voulu y monter, tenter d’influencer le cadre de réflexion et de décision mené ou nourri par une petite équipe de professionnel·le·s tissée serrée autour du porte-parole masculin. J’y suis parfois arrivée, mais je m’y suis sentie bien seule et j’ai eu du mal à y trouver mon espace », a écrit la co-porte-parole sortante de QS, cinq mois après son élection lors d’un congrès à Gatineau.

Dans sa publication Facebook, lundi, Mme Lessard-Therrien évalue que « quatre mois à peine ont suffi à [l]’épuiser ». « Les deux genoux à terre, l’élan freiné », la porte-parole solidaire était partie en arrêt de travail le mois dernier.

« J’ai l’intention de continuer »

Réagissant à la démission de Mme Lessard-Therrien depuis Granby, lundi, le co-porte-parole solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a pris sa « part de responsabilité » dans le départ de sa collègue. « C’est sûr que c’est une mauvaise nouvelle pour Québec solidaire », a-t-il admis, tout en assurant qu’il n’y a pas de « crise » à l’intérieur du parti.

Interrogé sur son leadership, il a rappelé avoir reçu 90,1 % des appuis dans un vote des militants solidaires pour le reconduire à la tête du parti, en novembre. C’était tout juste après la publication d’un livre par son ex-collègue Catherine Dorion, dans lequel lui et sa garde rapprochée étaient taxés de s’être livrés à des « pressions émotives et [à des] tractations de pouvoir » avec elle.

« Je sens que j’ai l’appui de mes collègues du caucus, de la direction du parti. Et pour le reste, j’ai l’intention de continuer tout en apprenant des leçons de cet épisode-là », a réitéré M. Nadeau-Dubois, lundi.

Selon Jimena Aragon, l’ex-candidate solidaire dans Chauveau, « on fait l’autruche, là, on se met un peu la tête dans le sable ». « Je ne pense pas qu’Émilise, ça soit un cas isolé. Catherine Dorion n’a pas décidé de quitter pour rien », a-t-elle dit. « Ça envoie un message quand même lourd que les femmes quittent de façon aussi épuisée un espace qui est supposé être un safe space. »

« Ce n’est pas la première fois [qu’une femme claque la porte du parti]. Au-delà de “il n’y a pas de crise”, puis “tout va bien, Madame la marquise”, je pense qu’on doit avoir des explications », a ajouté Philippe Pagé.

Peu après la publication du livre Les têtes brûlées. Carnets d’espoir punk, GND s’était engagé à apprendre des vives critiques de l’ancienne députée de Taschereau. « On a tous des choses à apprendre. En six ans, j’ai changé. Moi, je continue dans cette direction-là », avait-il dit.

Émilise Lessard-Therrien s’était aussi exprimée à ce moment-là, invitant GND à prêter l’oreille à l’« avertissement » de Mme Dorion. « Catherine nous met en garde contre un risque potentiel : celui d’emprunter aux pratiques et à la culture de cette institution-là [l’Assemblée nationale], dans laquelle on est enfermés, et qui est très toxique par moments. »

Lundi, plusieurs autres ex-collègues députés solidaires ont réagi au départ de Mme Lessard-Therrien sur les réseaux sociaux, dont Sol Zanetti, qui lui a promis que son geste « difficile et courageux ne restera pas sans écho à l’intérieur du parti ».

« La lutte politique n’est pas supposée épuiser à ce point », a reconnu le député de Jean-Lesage dans un commentaire sur Facebook.

Aux côtés de Gabriel Nadeau-Dubois, à Granby, la députée de Sherbrooke, Christine Labrie, a assuré qu’elle accordait tout son soutien à son co-porte-parole masculin. « Moi, j’ai confiance. »

Un défi

De son côté, la présidente de Québec solidaire, Roxane Milot, a admis qu’après sept ans du duo formé par Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, « accueillir une nouvelle porte-parole extraparlementaire était tout un défi ».

Émilise Lessard-Therrien a été députée solidaire dans la circonscription de Rouyn-Noranda—Témiscamingue de 2018 à 2022. Elle a été battue par le candidat caquiste aux plus récentes élections. Elle a fait son retour « par la grande porte » chez Québec solidaire l’automne dernier en étant élue avec 50,3 % des voix, devant Ruba Ghazal, pour succéder à Manon Massé en tant que porte-parole féminine.

Les détails du processus visant à choisir une nouvelle porte-parole féminine seront annoncés ultérieurement, a fait savoir QS. Les règlements du parti ne contiennent pas de dispositions pour l’élection d’une porte-parole intérimaire, mais un rassemblement partisan est prévu à la fin du mois de mai.

Selon une source au parti, l’accession automatique de Ruba Ghazal au poste de co-porte-parole n’est pas sur la table. Elle avait terminé à trois voix de sa rivale Lessard-Therrien à la conclusion de la course, en novembre.

Avec La Presse canadienne

2024-04-29T14:39:30Z dg43tfdfdgfd