OTTAWA NE SE SOUCIE PAS D'ENFANTS CANADIENS DANS DES CAMPS SYRIENS, SELON UNE AVOCATE

OTTAWA — Cinq enfants canadiens croupissent dans un camp de détention misérable du nord-est de la Syrie depuis qu'Ottawa a refusé à leur mère la permission de venir au Canada, selon une avocate qui se bat devant le tribunal au nom des familles.

Il s'agit d'un autre revers pour les Canadiens qui sont parmi les nombreux ressortissants étrangers hébergés dans des centres délabrés de la région ravagée par la guerre, après qu'elle fut arrachée au groupe militant Daech.

L'avocate Asiya Hirji a indiqué qu'elle avait demandé un permis de séjour temporaire en février de l'année dernière pour deux femmes avec des enfants canadiens établis dans le camp d'Al-Roj, et qu'elle avait appris le mois dernier qu'elles avaient été refusées pour des raisons de sécurité.

L'une des mères a un garçon de sept ans et une fille de cinq ans. L'autre mère a une fille de neuf ans et des garçons âgés de sept et cinq ans. Son fils aîné souffre d’une grave maladie oculaire qui nécessite un traitement médical.

Aucune des deux mères n’est citoyenne canadienne. Les pères canadiens des enfants ne font plus partie de la vie des familles.

Mme Hirji, une avocate superviseure à la Clinique juridique de la faculté de droit de l'Université de Toronto, a déclaré que les femmes avaient signé des aveux sous la contrainte en Syrie – des informations sur lesquelles le Canada ne devrait pas se fier.

Elle travaille actuellement à une révision par la Cour fédérale de la décision de refus de permis du Canada.

«Dans toutes les affaires de sécurité, ils font très attention à ce qu'ils divulguent aux candidats, a-t-elle expliqué. Il en résulte donc un processus très long.»

Le Canada jugé complice

Une délégation de la société civile qui a visité les camps de prisonniers syriens en août dernier a appelé Ottawa à fournir une assistance consulaire immédiate aux détenus canadiens et à rapatrier rapidement tous les citoyens souhaitant revenir au Canada.

Les membres de la délégation, dont la sénatrice Kim Pate et l'ancien dirigeant d'Amnistie internationale Canada Alex Neve, ont également exhorté le gouvernement à délivrer des permis temporaires pour garantir que les mères non canadiennes et les frères et sœurs d'enfants canadiens puissent voyager au Canada.

La délégation a affirmé que le Canada est complice d'un grave échec international en matière de droits de la personne en raison de sa politique consistant essentiellement à héberger des milliers de ressortissants étrangers, dont plus de la moitié sont des enfants.

Un récent rapport d'Amnistie internationale indique que les hommes, les femmes et les enfants détenus dans les centres de détention subissent des conditions inhumaines, comprenant dans certains cas du tabassage, des violences sexistes et des actes de torture.

On estime que 11 500 hommes, 14 500 femmes et 30 000 enfants sont détenus dans au moins 27 centres de détention et dans les camps d'Al-Roj et d'Al-Hol, selon le rapport.

Mme Hirji a déclaré qu'elle avait demandé à plusieurs reprises à Affaires mondiales Canada de faciliter le traitement médical des cinq enfants canadiens qu'elle tentait d'aider, sans succès.

«Je ne pense pas qu'ils s'en soucient s'ils meurent», a-t-elle soutenu.

«C'est tout simplement déchirant que nous laissions cela se produire. Les enfants ne demandent pas à naître. Nous avons donc la responsabilité de faire ce qui est dans l'intérêt supérieur des enfants.»

Laisser les enfants partir seuls?

Les parents non canadiens d'enfants canadiens peuvent demander que leurs enfants soient rapatriés au Canada sans eux, et le gouvernement fédéral évalue ces demandes au cas par cas, a expliqué la porte-parole d'Affaires mondiales Canada, Charlotte MacLeod.

Les responsables consulaires canadiens restent «activement engagés» auprès des autorités kurdes syriennes et des organisations internationales œuvrant dans la région, ainsi qu'avec des groupes de la société civile pour obtenir des informations et une assistance aux citoyens canadiens dans les camps, a ajouté Mme MacLeod.

«Pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons pas commenter des cas spécifiques ou des actions futures potentielles.»

Mme Hirji a affirmé que pour les mères canadiennes, envoyer leurs enfants au Canada seuls équivaut à un choix impossible.

«Est-ce qu'elles engagent leurs enfants dans une vie de traumatisme émotionnel? Ou les gardent-elles avec elles et essaient de protéger leur santé émotionnelle au détriment de leur santé physique?»

Le Canada a pris des mesures pour le rapatriement de plusieurs autres femmes et enfants canadiens détenus en Syrie.

Une Canadienne du Québec s'est vu refuser l'aide d'Ottawa pour rentrer au Canada pour des raisons de sécurité, mais a depuis réussi à quitter le camp d'Al-Roj. On ignore où elle se trouve actuellement.

L'avocat de la femme, Lawrence Greenspon, affirme qu'Ottawa a accepté d'aider ses six jeunes enfants, qui sont également citoyens, à venir au Canada.

«J'ai reçu des instructions très précises de sa part pour ramener ses enfants à la maison le plus rapidement possible, et il semble qu'Affaires mondiales aille dans cette direction», a indiqué M. Greenspon.

Une clinique spécialisée à Montréal est «prête à intervenir» pour assister les enfants à leur retour, a-t-il ajouté.

Quant à la mère, M. Greenspon a déclaré que «l'espoir est qu'elle puisse trouver son chemin jusqu'à un consulat canadien et éventuellement retrouver le chemin de son pays».

M. Greenspon est également l'un des avocats à l'origine d'une action judiciaire visant à obtenir le rapatriement de quatre Canadiens détenus en Syrie.

En novembre, la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre la contestation par des hommes d'un jugement de la Cour d'appel fédérale selon lequel Ottawa n'est pas obligé, en vertu de la loi, de les aider à rentrer.

Le plus haut tribunal est invité à reconsidérer sa décision.

Jim Bronskill, La Presse Canadienne

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