OTTAWA RéDUIRA SA PRéSENCE DIPLOMATIQUE EN IRAK ET METTRA FIN à SA MISSION CONTRE L’EI

Le Canada mettra fin au printemps prochain à sa stratégie pour le Moyen-Orient, qui a pour but de démanteler le groupe armé État islamique (EI ou Daech) et de renforcer la sécurité et la stabilisation en Irak, en Syrie, en Jordanie et au Liban. Ottawa ne compte pas la renouveler.

Affaires mondiales Canada a confirmé à Radio-Canada cette information d’abord rapportée par le média irakien Rudaw.

La stratégie du Canada pour le Moyen-Orient, créée à l'origine pour répondre à la menace immédiate que représente Daech (en Irak et en Syrie) et à son impact sur les pays voisins (Liban et Jordanie), prendra fin en mars 2025, a indiqué à Radio-Canada John Babcock, un porte-parole d’Affaires mondiales Canada.

Entre 2016 et 2025, le Canada s’était engagé à investir plus de 4,7 milliards de dollars dans cette stratégie, qui comprend un engagement militaire, dont l’Opération IMPACT, la contribution des Forces armées canadiennes à la Coalition mondiale contre l'EI et à la mission de l’OTAN en Irak. Jusqu'à 850 militaires canadiens ont été déployés dans la région.

Baisse de la présence diplomatique du Canada

Le non-renouvellement de cette stratégie par le Canada aura par ailleurs une incidence diplomatique en Irak, dont la fermeture du bureau de l’ambassade du Canada à Erbil, la capitale du Kurdistan autonome, dans le nord du pays, au printemps prochain.

Les fonctionnaires de l'ambassade du Canada en Irak maintiendront activement un engagement régulier avec les fonctionnaires et la population de la région du Kurdistan d'Irak, a toutefois tenu à préciser M. Babcock dans un courriel.

Selon lui, ces changements interviennent à la suite des compressions budgétaires annoncées il y a un an par le Conseil du Trésor.

Dans le budget 2023, le gouvernement s'est engagé à réduire les dépenses de 14,1 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, à partir de 2023-2024, et de 4,1 milliards de dollars par an par la suite, rappelle Affaires mondiales Canada.

En janvier, le vice-amiral de la Marine, Bob Auchterlonie, avait indiqué à La Presse Canadienne que les Forces armées canadiennes allaient réduire leur présence au Moyen-Orient afin de libérer des militaires pour des missions en Europe, en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

L’armée canadienne est par ailleurs de plus en plus sollicitée pour prêter main-forte lors des catastrophes naturelles dans le monde, alors qu’elle fait face à une pénurie de personnel qualifiée de crise par des officiers supérieurs de l'état-major.

Les priorités du Canada sont ailleurs

Interrogé par Radio-Canada, Thomas Juneau, professeur spécialiste du Moyen-Orient à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, n'est pas surpris par la baisse de l’engagement diplomatique, politique et militaire du Canada en Irak.

L'idée que le Canada pourrait maintenir indéfiniment le niveau d’engagement qu'il avait en Irak au sommet de la lutte contre l'État islamique est tout simplement irréaliste, dit-il lors d’un entretien téléphonique.

Selon M. Juneau, les priorités du Canada en matière de politique étrangère sont aujourd’hui concentrées ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis, à l'approche de l'élection présidentielle de l’automne, mais aussi en Europe, avec la guerre en Ukraine, ainsi que dans la région indo-pacifique.

Donc, le Moyen-Orient tombe loin derrière ces régions-là, dit-il, tout comme l’Afrique et l’Amérique du Sud.

La menace du terrorisme toujours présente

Le spécialiste du Moyen-Orient met toutefois en garde Ottawa contre un désengagement total de la région, affirmant que le contexte qui a mené à la montée du groupe armé État islamique est toujours omniprésent.

Plusieurs facteurs ont mené à l'émergence de l'État islamique, dont la fragilité étatique, l'instabilité et la violence en Irak et en Syrie. Et ça, ce n'est pas fini, explique-t-il.

L'EI a pris le contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak en 2014, proclamant son califat et imposant un règne de terreur avant d'être défait militairement dans ces deux pays par une coalition internationale dirigée par les États-Unis et les forces kurdes.

Si les autorités irakiennes ont proclamé leur victoire contre Daech à la fin de 2017, des cellules djihadistes continuent d'attaquer sporadiquement les effectifs de l'armée et de la police, particulièrement dans les zones rurales et reculées, hors des grandes villes.

En plus de l'EI, des groupes armés pro-iraniens en Irak qui réclament le départ des troupes étrangères du pays prennent les forces étrangères, notamment les soldats américains, pour cible.

En février dernier, le gouvernement irakien lui-même s'en prenait à la Coalition mondiale contre Daech, l’accusant d’outrepasser son mandat en ciblant des responsables de milices pro-iraniennes.

La coalition internationale antidjihadiste est devenue un facteur d'instabilité en Irak et menace d'entraîner l'Irak dans un conflit, avait affirmé le général irakien Yehia Rasoul, porte-parole militaire du premier ministre Mohamed Chia al-Soudani, dont le gouvernement est soutenu par des partis proches de l'Iran.

Il s’exprimait après une frappe américaine ayant ciblé une voiture en plein jour à Bagdad, tuant un haut commandant des Brigades du Hezbollah, Abou Baqir al-Saadi.

Classées groupe terroriste par Washington et visées par des sanctions, les Brigades du Hezbollah font partie de la « Résistance islamique en Irak », une nébuleuse de combattants pro-Iran qui a revendiqué des dizaines d'attaques contre des soldats de la coalition internationale antidjihadiste, en Irak et en Syrie.

La sécurité des troupes étrangères en Irak est d’autant plus compromise depuis le début de la guerre menée par Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza, en octobre. En neuf mois, Washington a dénombré plus d'une centaine d'attaques lancées par des groupes pro-iraniens contre ses forces en Irak et en Syrie.

2024-06-11T08:06:26Z dg43tfdfdgfd