QUéBEC ENGAGé DANS UN éNIèME BRAS DE FER AVEC LES MéDECINS OMNIPRATICIENS

Le ton monte à nouveau entre le gouvernement Legault et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), cette fois au sujet d'une prime à la prise en charge de patients orphelins qui disparaîtra sous peu.

La FMOQ s'inquiète de la fin imminente d'une entente conclue à l'été 2022, qui se terminera à la fin mai, et que le ministre de la Santé, Christian Dubé, hésite à renouveler.

L'accord en question, financé grâce à une négociation menée par le gouvernement Couillard, prévoit le versement d'une prime de 120 $ par année pour chaque patient orphelin pris en charge par un groupe de médecine familiale (GMF) par l'intermédiaire du Guichet d'accès à la première ligne (GAP).

En échange, ce patient doit se voir offrir au moins une plage de rendez-vous par année.

Or, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) soupçonne les médecins et les GMF de délaisser leur pratique traditionnelle, à environ 50 $ par rendez-vous, pour se concentrer sur le GAP, plus payant.

Le constat est d'autant plus fâcheux, soutient-on, que la prime ne semble pas être particulièrement efficace, dans la mesure où, même si plus de 900 000 patients orphelins ont été pris en charge depuis deux ans, le nombre de rendez-vous mensuel, lui, est demeuré stable, à plus ou moins 1,5 million de rendez-vous par mois.

Québec aurait en outre remarqué sur son tableau de bord que la moitié de ces 900 000 patients n'ont finalement jamais obtenu de rendez-vous au cours des deux dernières années, selon des informations de La Presse confirmées par Radio-Canada.

Des médecins prendront leur retraite, prévient la FMOQ

En entrevue jeudi à D'abord l'info, sur ICI RDI, le président de la FMOQ, le Dr Marc-André Amyot, a profité de sa tribune pour inviter le ministre Dubé à renouveler l'entente de 2022, avertissant que la disparition de la prime de 120 $ pourrait se traduire par un recul de l'accès aux soins de première ligne.

L'inscription collective [dans les GMF] a permis à des médecins près de la retraite de dire : "Moi, avec cette modalité-là, je vais continuer" [...] Qu'est-ce que vous imaginez qui va arriver de ces médecins-là? Vingt-cinq pour cent des médecins de famille au Québec ont plus de 60 ans. Ils vont partir à la retraite!, a-t-il prévenu.

Le Dr Amyot s'est toutefois dit prêt à discuter d'un nouveau modèle d'organisation [et] de rémunération avec le MSSS. C'est en collaborant, en travaillant ensemble qu'on va arriver à une meilleure accessibilité pour la population, a-t-il fait valoir.

Il n'y aura pas plus d'argent s'il n'y a pas plus d'accès

Ce bras de fer, faut-il le souligner, intervient alors que des négociations se préparent entre la FMOQ et la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, dans le but de renouveler l'accord-cadre qui régit la rémunération et les conditions de pratique des médecins de famille.

En mêlée de presse, jeudi matin à l'Assemblée nationale, le ministre Dubé a assuré que le GAP était là pour rester, peu importe l'issue des pourparlers. Mais je le dis : il n'y aura pas plus d'argent s'il n'y a pas plus d'accès, a-t-il prévenu.

M. Dubé a en outre rappelé qu'il mettra bientôt la main sur certaines données au sujet de l'emploi du temps des médecins, grâce à l'activation cet hiver d'un règlement découlant du projet de loi sur l’offre de services de première ligne que l'Assemblée nationale a adopté en mai 2022.

Les dollars ont été donnés, mais est-ce que les rendez-vous additionnels ont été pris? C'est ça que je veux vérifier, a-t-il expliqué à la presse parlementaire.

Qu'adviendra-t-il des patients?, demande l'opposition

L'opposition à l'Assemblée nationale, de son côté, s'est montrée inquiète que la fin prochaine de la prime de 120 $ fasse en sorte que les 900 000 Québécois pris en charge par des GMF perdent leur accès à un médecin de famille et retournent sur la liste d'attente.

Le porte-parole libéral en matière de santé, André Fortin, a notamment accusé Christian Dubé de s'être traîné les pieds dans ce dossier.

Le ministre de la Santé aurait dû s'occuper de ça depuis longtemps, a-t-il plaidé en point de presse, jeudi matin. Là, on est à un mois de la date fatidique où il y a 900 000 Québécois qui pourraient perdre leur accès, puis le ministre nous dit : "Non, non, ne vous inquiétez pas, ça va bien aller".

Le Parti québécois (PQ), pour sa part, s'est étonné de voir que l'accord de l'été 2022 cessera de s'appliquer du jour au lendemain.

Habituellement, lorsque le gouvernement négocie le renouvellement d'une convention collective, on continue de payer notre monde, a fait remarquer son porte-parole en matière de santé, Joël Arseneau, qui a qualifié le comportement du ministre Dubé de cavalier et autoritaire.

Québec solidaire (QS), enfin, a estimé que le gouvernement Legault aurait tout intérêt à régler le problème à sa source en modifiant le mode de rémunération des médecins comme il s'était engagé à le faire dès son arrivée au pouvoir, en 2018.

Mais la question, de toute façon, est bien théorique, hein?, a lancé son porte-parole en matière de santé, Vincent Marissal. Parce que, même inscrit au GAP, tu n'es pas capable d'avoir un rendez-vous.

Avec les informations d'Hugo Lavallée et de Véronique Prince

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