QUéBEC METTRA FIN à L’EXIGENCE D’UNE ORDONNANCE IMPOSéE PAR LES ASSUREURS PRIVéS

Le gouvernement Legault s'apprête à déposer un projet de loi pour mettre fin à l'exigence imposée aux personnes malades par des compagnies d’assurance et des employeurs de fournir une ordonnance médicale pour obtenir un remboursement.

La pièce législative – qui, pour des raisons techniques, sera déposée par le ministre du Travail, Jean Boulet, plutôt que par le ministre de la Santé, Christian Dubé – vise à alléger le travail des médecins de famille, qui disent passer trop de leur temps à remplir des formulaires pour les assureurs privés.

En les libérant de cette tâche, le ministre Dubé croit pouvoir dégager annuellement 500 000 rendez-vous médicaux additionnels pour les patients. Plus on va être capable de réduire cette paperasse-là, plus on va avoir des rendez-vous disponibles, a souligné M. Dubé, mercredi, en entrevue à Tout un matin, sur ICI Première.

Radio-Canada rapportait en mars dernier l’exaspération de nombreux médecins de famille qui réclamaient cette mesure, faisant valoir que la paperasse administrative des assureurs occupait le quart de leur temps. Le problème touche aussi les patients orphelins, qui ne savent plus où formuler leurs requêtes.

Maintenant, l'employeur va être capable de dire : "Écoutez, je me fie au jugement du médecin", a résumé le ministre Dubé à Tout un matin. C'est vraiment simple, ce qu'on se dit, mais ça nous prend un petit changement dans la loi, a-t-il expliqué.

Se fier aux médecins plutôt qu'aux assureurs

Une fois le projet de loi adopté, le patient n’aura plus à demander une ordonnance médicale à un omnipraticien pour se faire rembourser une consultation avec un autre professionnel, tel un physiothérapeute ou un massothérapeute.

L'ordonnance médicale ne sera plus obligatoire non plus pour obtenir le remboursement d’équipements médicaux ou orthopédiques, comme des orthèses, des béquilles ou une canne.

À l'heure actuelle, un travailleur en congé de maladie, à moyen ou à long terme, doit retourner voir son médecin de famille régulièrement pour conserver son indemnisation.

Par exemple, un patient en arrêt de travail pour une fracture prend habituellement deux mois à se rétablir. Le régime d’assurance de certains employeurs l’oblige à revoir son médecin toutes les trois semaines.

Dorénavant, la fréquence de ce suivi ne sera plus déterminée par l’employeur ou l’assureur, mais plutôt par le médecin de famille, selon son jugement clinique.

La pièce législative qu'entend déposer le gouvernement s'appliquerait à toutes les sociétés présentes sur le territoire québécois, y compris les entreprises à charte fédérale, a précisé le cabinet du ministre Dubé, mercredi.

En entrevue à ICI RDI, la présidente pour le Québec de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes (ACCAP), Lyne Duhaime, a accueilli favorablement l'annonce, précisant toutefois qu'elle attendrait de voir les articles du projet de loi avant d'offrir son soutien total au gouvernement.

L'ACCAP, a fait savoir Mme Duhaime, a déjà pris position en faveur de l'élimination dans les régimes d'assurance collective de l'exigence pour les personnes malades d'obtenir une prescription médicale pour se faire rembourser des soins offerts par d'autres professionnels de la santé.

À propos des équipements médicaux ou orthopédiques, cependant, il faudra, dit-elle, s'assurer qu'il puisse y avoir la possibilité de garder une exigence pour certains appareils plus dispendieux, comme les lits amovibles pour les gens qui ont des problèmes de dos très importants, qui coûtent des milliers de dollars.

Mme Duhaime prévient en outre que, pour les demandes d'invalidité, la loi devra être rédigée de façon à ce que la conséquence ne soit pas qu'il y ait des gens qui reçoivent des prestations d'invalidité alors qu'ils ne sont plus invalides.

De manière générale, il faudra que le changement se fasse à coût nul ou pratiquement nul, insiste la présidente pour le Québec de l'ACCAP. Parce que si la conséquence est qu'on perd les moyens de contrôler les coûts des régimes d'assurance collective, on crée un autre problème, prévient-elle.

Un pas dans la bonne direction, selon la FMOQ

En entrevue avec Radio-Canada, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot, a estimé qu'un éventuel projet de loi pour mettre fin à l’exigence de certains billets médicaux par les assureurs était un pas dans la bonne direction.

Le gouvernement, cela dit, devra selon lui aller plus loin en interdisant à ces compagnies d'obliger leurs clients à se procurer des billets médicaux pour les absences de moins de cinq jours.

Non seulement ce n'est pas approprié, c'est contre-productif, a expliqué le Dr Amyot. Demander à quelqu'un de venir dans un cabinet médical [ou] dans une salle d'urgence [...] avec une maladie contagieuse, c'est de mettre à risque les autres patients. Donc, non seulement ce n'est pas indiqué, c'est contre-indiqué.

La FMOQ se questionne en outre sur les 500 000 rendez-vous que Québec pense dégager par cette mesure. Ça, j'ai des réserves par rapport à ça, a admis le Dr Amyot, selon qui les données disponibles doivent être interprétées en fonction du contexte clinique.

Parfois, ce n'est pas une consultation : ces patients-là ont un rendez-vous avec leur médecin pour un autre problème, mais vont demander une prescription pour couvrir la physiothérapie, la massothérapie, le psychologue, etc. Donc est-ce que toutes ces consultations-là vont être économisées? Je ne crois pas, a nuancé le président de la FMOQ.

L'opposition salue l'intention du gouvernement

Questionnés sur le sujet, les partis d'opposition à l'Assemblée nationale se sont également montrés ouverts au futur projet de loi du gouvernement, mercredi.

Le député libéral Frédéric Beauchemin, par exemple, a souligné qu'un tel changement législatif pourrait avoir pour effet d'augmenter la productivité des médecins, alors que la co-porte-parole solidaire Christine Labrie a parlé d'une excellente initiative qui pourrait permettre de libérer énormément de rendez-vous.

Seul le péquiste Pascal Bérubé s'est montré dubitatif quant au fait que le projet de loi pourrait dégager annuellement un demi-million de rendez-vous médicaux, accusant le gouvernement d'être meilleur pour annoncer ses intentions que pour défendre ses résultats.

Pendant ce temps, le temps d'attente ne fait qu'augmenter dans les urgences du Québec, a-t-il souligné, prenant pour exemple les taux d'occupation des hôpitaux de Châteauguay, Mont-Laurier et Saint-Jérôme, qui avoisinaient les 200 % mercredi matin.

La CNESST forcée aussi de simplifier la charge administrative

En février dernier, Québec avait mis en place des mesures semblables pour les patients indemnisés par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Le gouvernement permet maintenant aux médecins de déterminer la fréquence et la pertinence des suivis de consultation, selon leurs disponibilités et l’état de santé du travailleur.

Le dédoublement des formulaires pour les demandes d’hébergement de soins de longue durée a aussi été aboli. Il devait généralement être rempli par un travailleur social, puis validé par un omnipraticien.

Le ministre Dubé affirmait en février que ces modifications législatives permettraient de libérer un peu plus de 138 000 rendez-vous médicaux supplémentaires.

Avec les informations de Sébastien Desrosiers

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