UMAR ZAMEER ACQUITTé : DES VOIX S’éLEVENT POUR DEMANDER UNE ENQUêTE PUBLIQUE

Des voix s'élèvent pour que la province ordonne l'ouverture d'une enquête publique sur la saga politico-judiciaire entourant l'acquittement d'Umar Zameer. Des excuses et des explications se font toutefois toujours attendre.

Pour l'heure, le chef de police de Toronto, Myron Demkiw, a clarifié, mardi, ses propos au sujet de sa position controversée de dimanche à la suite de l'acquittement d'Umar Zameer.

Il affirme qu'il respecte l'appareil judiciaire et le jury, qui a reconnu Umar Zameer non coupable de la mort de l'agent Jeffrey Northrup la nuit du 2 juillet 2021.

Il se défend, pour l'instant, de critiquer ou de remettre en question le travail des agents qui ont interpellé l'homme de 35 ans et sa famille juste avant la collision mortelle dans le stationnement souterrain de l'hôtel de ville.

Il croit que l'enquête qu'il a sollicitée auprès de la Police provinciale de l'Ontario (PPO) confirmera ou non les allégations de collusion et de parjure auxquelles trois des quatre policiers font face depuis le procès.

Les agents Forbes, Correa et Pais sont accusés de s'être parjurés au procès d'Umar Zameer et d'avoir conspiré pour que leur témoignage se ressemble.

Face à ceux qui critiquent le chef Demkiw d'avoir donné un travail d'enquête à un autre corps de police, il répond qu'il était important d'assurer l'indépendance de l'investigation, même si ce sont des policiers qui enquêteront sur la conduite d'autres policiers.

Le chef de police s'est par ailleurs engagé à revoir à l'interne le protocole de son service sur le travail des policiers en civil et sur leur façon d'aborder des citoyens en public.

À l'époque, l'agent Northrup et sa coéquipière Lisa Forbes recherchaient à pied dans le garage un assaillant au couteau qui venait de blesser un homme.

Ils étaient assistés par les agents Antonio Correa et Scharnil Pais, qui se trouvaient dans une voiture de police banalisée et aux vitres teintées.

Les policiers avaient reçu de leur répartiteur le signalement d'un homme brun avec une barbe dont la description ressemblait, selon eux, à Umar Zameer.

Il est donc trop tôt, selon le chef Demkiw, pour affirmer que les policiers avaient mal agi cette nuit-là ou qu'ils n'avaient pas respecté les procédures.

Souci de transparence

Au cours d'une conférence de presse sans lien avec le sujet, le chef Demkiw s'est par ailleurs engagé à être aussi transparent que possible dans son enquête interne, mais il n'a pu offrir aucune garantie.

Il affirme en outre qu'il ignore si une enquête du coroner sur la mort de l'agent Northrup serait utile à ce moment-ci comme un gage de transparence auprès du public et il s'en remet à la province pour en prendre la décision.

Le ministère du Solliciteur général de l'Ontario n'a jamais répondu à nos questions à ce sujet.

Le chef Demkiw a en outre refusé de commenter les déclarations de son prédécesseur, James Ramer, au sujet de la libération d'Umar Zameer sous caution le 22 septembre 2021.

M. Ramer avait dit que M. Zameer avait agi de façon intentionnelle, sacrifiant ainsi la présomption d'innocence dont ce dernier aurait dû jouir en vertu de la loi.

18 mois plus tard, son successeur, Myron Demkiw, a refusé de présenter des excuses à M. Zameer pour les propos qu'il a tenus dimanche, mais il admet que cet épisode a probablement ébranlé la confiance du public.

Le conseiller municipal de Toronto Jon Burnside, lui-même policier de carrière, croit que le chef Demkiw aurait dû présenter des excuses pour ses commentaires.

M. Burnside ajoute qu'il a même été perplexe, parce que le verdict d'acquittement n'était une surprise pour personne.

Je comprends l'émotion qui régnait dimanche, mais la mort de l'agent Northrup ne date pas d'hier, poursuit-il.

Le conseiller souligne qu'il n'y avait aucun malaise à ce que le chef de police rectifie ses propos et respecte le verdict dans cette affaire. La justice a été servie sous forme d'acquittement, conclut-il

Contrôle des dommages

La Coalition torontoise sur la responsabilité policière croit pour sa part que la police tente de limiter les dégâts face à la critique, en demandant à la PPO d'enquêter et à son service de revoir à l'interne les procédures.

Le coordonnateur de la Coalition, John Sewell, affirme que la police est toujours prompte à ordonner des enquêtes pour échapper à ses responsabilités, mais aucune investigation n'est nécessaire.

L'avocat Michael Spratt pense que l'enquête de la PPO sur le parjure allégué des agents est un pas dans la bonne direction, mais que c'est insuffisant.

Le chef Demkiw est dans le déni et seule une enquête publique indépendante pourra faire toute la lumière sur cette affaire pour exiger des comptes à ceux qui sont au pouvoir, explique-t-il.

L'enquête publique pourrait aussi examiner, selon lui, des questions plus larges, y compris « les commentaires incendiaires » de MM. FordBrown et Tory, qui auraient pu mener à une erreur judiciaire.

Le premier ministre Ford a déclaré mardi qu'il respectait le verdict.

L'Association canadienne des libertés civiles pense elle aussi qu'une enquête publique provinciale serait de mise dans les circonstances et compte tenu des allégations de parjure et de collusion.

Selon M. Rahim, des mécanismes véritablement indépendants et robustes pourraient inclure à la fois une enquête publique ou un examen indépendant par la Commission des services policiers de Toronto.

Le ministère du Procureur général de l'Ontario a refusé de répondre à nos questions sur les circonstances dans lesquelles les procureurs Michael Cantlon et Karen Simone se sont vu octroyer le dossier de M. Zameer.

Dans un courriel laconique, son porte-parole écrit néanmoins que les décisions de poursuivre un individu au criminel sont prises par la Couronne sans aucune interférence politique.

Question de confiance

M. Burnside ne comprend pas lui non plus les raisons pour lesquelles les procureurs ont été de l'avant avec une accusation de meurtre prémédité contre Umar Zameer à la lumière des faibles preuves de la police.

Il affirme qu'il est incroyable que le témoin-clef de la Couronne au procès, l'agente Forbes, ait été disciplinée pour inconduite relativement à une campagne de souscription qui a tourné au vinaigre et qu'elle ait obtenu du galon par la suite.

Ironiquement, la vente de t-shirts d'apparence frauduleuse à laquelle l'agente Lisa Forbes était associée devait aider la famille d'un autre policier mort en devoir.

La Sgte Forbes est à nouveau montrée du doigt pour avoir apparemment menti à la barre des témoins au procès d'Umar Zameer.

Il reste encore beaucoup de questions d'intégrité et d'imputabilité auxquelles la police doit répondre, précise le conseiller torontois, en laissant entendre que le ménage doit être fait au sein du service.

Si le public n'a plus confiance en la police, c'est tout le système qui s'écroulera, conclu le conseiller Burnside.

Interrogé à ce sujet, le chef Demkiw a répondu qu'il fera tout ce qui est nécessaire pour rétablir la confiance des Torontois dans leur service de police.

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