UN JUGE DE LA COUR DU QUéBEC VEUT SE PRONONCER SUR LA CONSTITUTIONNALITé DE LA LOI 96

MONTRÉAL — Un juge de la Cour du Québec a décidé de se prononcer sur la constitutionnalité de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec parce qu'un de ses articles retarderait systématiquement les jugements rendus en anglais

Le juge Dennis Galiatsatos a lui-même soulevé la question alors qu'il se prépare à présider le procès d'une femme accusée de négligence criminelle ayant causé la mort d'un cycliste. Christine Pryde a choisi de subir son procès en anglais.

Dans une décision rendue le 1er mai, M. Galiatsatos annonce qu'il compte trancher sur la validité de l'article de la loi qui stipule «qu'une version française doit être jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire lorsqu’il met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public».

Il a demandé des arguments écrits au procureur général du Québec et à celui du Canada d'ici le 14 mai.

Selon lui, l'article en cause impose un délai strict. «Cela a comme conséquence d'interférer avec le fonctionnement de base du processus criminel [lequel tombe sous la compétence du fédéral]», écrit-il.

Le procès, prévu pour durer deux semaines, doit s'amorcer le 3 juin, deux jours après l'entrée en vigueur de l'article réclamant la traduction des jugements en français. Résultat: la cour devra remettre une copie en français de son jugement le même jour que sa décision en anglais.

«En d'autres mots, même si le jugement final est prêt, je ne pourrais pas l'enregistrer», souligne le juge Galiatsatos.

«Mme Pryde, la Couronne et la famille d'Irene Dehem [la victime] devront attendre plusieurs semaines ou mois supplémentaires avant de recevoir le jugement définitif, même si celui-ci est prêt. Il demeurera sur les tablettes le temps qu'il soit traduit par les services de la cour. Il devra ensuite être révisé, corrigé et approuvé.»

Le procureur général du Québec s'est opposé à la décision du juge Galiatsatos de soulever la question de la constitutionnalité de la loi. Il a argué que le juge n'avait pas le pouvoir de le faire. Le procureur général du Canada a convenu lui aussi que le juge ne pouvait pas soulever la question.

M. Galiatsatos dit que la loi peut affecter comment et quand un juge rend un verdict dans une cause criminelle. «Ce n'est pas un détail collatéral. On ne peut pas être plus basique que cela», soutient-il.

Le juge dit être persuadé que les deux procureurs généraux fourniront à la cour des arguments convaincants et bien motivés sur les questions constitutionnelles qu'il a soulevées. 

Aucun des deux procureurs généraux n'a répondu à une demande d'entrevue.

Giuseppe Valiante, La Presse Canadienne

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