UNE TRENTAINE DE MAISONS ALLUMETTES AUTORISéES à LA DéMOLITION DEPUIS 2021

La Ville de Gatineau a autorisé la démolition de 36 maisons allumettes depuis les trois dernières années, a appris Radio-Canada. Parmi elles, 10 démolitions ont été autorisées dans la dernière année, et ce, malgré une recommandation de Québec de ne plus démolir de maisons allumettes en l’attente des résultats d’une étude.

Au cours des trois dernières années, Gatineau a refusé deux demandes de démolition visant des maisons allumettes.

En vertu de la réglementation d’urbanisme actuelle de la Ville de Gatineau, les maisons allumettes ne sont pas des immeubles patrimoniaux cités, déclare la Ville, par écrit.

Depuis le 1er avril 2021, les villes québécoises ont l’obligation d’informer le ministre de la Culture lorsqu’elles ont l’intention d’autoriser la démolition d’un immeuble construit avant 1940.

De tous les avis d’intention de démolition transmis par Gatineau, aucune objection à la démolition n'a été exprimée par le ministère de la Culture et des Communications, explique la Ville de Gatineau. Le ministère confirme également cette information.

La Municipalité dit ne pas être en mesure de préciser combien de maisons allumettes ont effectivement été détruites depuis la délivrance de certificats d’autorisation de démolition. Les propriétaires des maisons avaient toutefois un an à partir de l’approbation pour détruire leur immeuble.

Québec recommandait temporairement de ne pas autoriser à démolir

Le ministère de la Culture et des Communications dit faire un suivi à la fois diligent et vigilant de tous les avis d’intention [de délivrer] un permis de démolition qui lui sont soumis.

La province mentionne avoir financé à 50 % une étude sur les maisons allumettes en 2023, commandée par la Ville de Gatineau. Celle-ci vise à documenter le développement de l’ancienne Ville de Hull, rappelle la Ville.

Selon cette dernière, cette étude permettra notamment de faire le portrait des enjeux de la mise en valeur et de la préservation des maisons allumettes, ainsi que de proposer des solutions pour leur mise en valeur.

Le ministère de la Culture et des Communications affirme, pour sa part, avoir recommandé à la Ville d’attendre les conclusions de cette étude avant d’accorder d’autres permis de démolition [visant des maisons allumettes].

Or, la Ville a tout de même autorisé la démolition de 10 maisons allumettes depuis cette recommandation de la province faite en date du 20 février 2023.

Pas assez de protection, clament des historiens

Ces maisons sont menacées pour différentes raisons, notamment économiques, selon l’historienne Danielle Guitard qui a étudié les maisons allumettes dans le cadre de ses recherches.

Le gros problème présentement à Gatineau, c'est que dans certaines rues il y a tellement de spéculations que le terrain vaut beaucoup plus [cher] que la maison, estime-t-elle.

Elle croit qu’il faut protéger certains regroupements de maisons.

Par exemple, sur la rue Garneau, on retrouve tout un ensemble de maisons qui ont une cohésion. Ça, c’est important parce que c’est un paysage urbain, économique et social, dit-elle.

Le président de la Société d’histoire de l’Outaouais, Michel Prévost, partage cette idée de créer des secteurs protégés.

On en a beaucoup perdu [parce qu’on densifie]. On construit de plus en plus des tours, affirme-t-il.

Il croit toutefois que les promoteurs immobiliers ne sont pas de mauvaise foi.

Quand ils voient ces petites maisons allumettes, ils associent ça à la pauvreté et ils ne réalisent pas dans le fond que c'est des pans de notre histoire. Ce sont des témoins du passé industriel [de la ville], croit-il.

Des maisons qui révèlent l’histoire de la ville

Les maisons allumettes façonnent le paysage urbain de Gatineau depuis 1875, selon ces historiens.

À l’origine, ces immeubles étaient vendus dans des catalogues.

Dans ces catalogues-là, on donnait des dimensions et tout ce qu’il fallait pour construire une maison de 20 par 24 pieds avec tout le bois d’œuvre [...] jusqu’à la quantité de clous qui étaient nécessaires, raconte Danielle Guitard.

Elle explique que sur la couverture d’un des catalogues, il y avait des allumettes en référence à l’usine E.B. Eddy, l’un des plus grands employeurs de la région au début du XXe siècle. C’est de là que vient le surnom maisons allumettes.

Chaque pièce d’une maison a une fenêtre et sa hauteur ne dépasse pas la largeur de la rue pour que tout le monde ait de la lumière et de l’air, note-t-elle.

Il y a aussi une cour accessible par le côté de la maison, ce qui est avantageux pour ses habitants.

On commençait à mettre des égouts dans la ville, alors il fallait [notamment] avoir des sanitaires dans la cour arrière, mentionne l’historienne.

La plupart des maisons étaient habitées par des ouvriers, alors que plusieurs industries étaient installées dans la région, notamment celle du bois.

On a dit souvent qu’elles étaient petites, mais c'était surtout parce qu’il y avait beaucoup de monde. [...] On était avec des familles de 10 enfants et très souvent on louait des chambres pour augmenter [ses] revenus.

Danielle Guitard croit que ces maisons sont importantes, car elles révèlent l’histoire de la ville.

Le bâti a une histoire sociale, estime-t-elle.

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