LA POLLUTION SONORE NUIT AU DéVELOPPEMENT DES œUFS ET DES OISILLONS

Une exposition à des niveaux modérés de bruit de circulation automobile nuit au développement des embryons dans les œufs et à la condition physique à long terme des oisillons, montrent les travaux de chercheuses françaises associées à l’Université Deakin en Australie.

Plusieurs études menées à ce jour ont montré que la pollution sonore nuit à la communication acoustique, modifie le comportement et mène à des troubles de la reproduction et du développement chez plusieurs espèces animales terrestres et marines.

Dans les études avant la nôtre, les parents et leur progéniture étaient exposés au bruit. On ne savait pas si le bruit lui-même pouvait directement affecter un organisme qui se développe, explique Alizee Meillere, l’une des auteures principales, avec Mylene Mariette, des travaux publiés dans la revue Science (en anglais).

On ne savait donc pas si le bruit anthropique – c’est-à-dire d’origine humaine – était intrinsèquement nocif pour les jeunes en développement ou s’il dérangeait uniquement les parents.

Pour trancher la question, les chercheuses et leurs collègues ont manipulé la progéniture d’oiseaux, des diamants mandarins (Taeniopygia guttata), une espèce répandue en Australie.

Dans l’expérience, des œufs sur le point d'éclore et des oisillons ont été soumis à trois environnements acoustiques :

  • des enregistrements de bruits de circulation de 65 décibels, un niveau sonore modéré courant dans un environnement urbain;
  • des enregistrements de chants d’oiseaux de la même espèce;
  • le silence.

Ainsi, la nuit, les chercheuses récupéraient certains des œufs et des poussins qu'ils plaçaient dans une pièce où ils étaient exposés aux différents environnements sans que leurs parents le soient pendant quatre heures.

L’expérience a permis d’étudier les œufs et les oisillons dans les mêmes conditions, selon l’environnement, sans que les parents soient exposés au bruit, mais en s’assurant qu'ils reçoivent des soins parentaux normaux.

Des résultats clairs

Les chercheurs ont été surpris par l'ampleur des effets associés aux bruits de la circulation qu’ils ont constatée.

Nous avons montré que la seule exposition au bruit avant et après la naissance a des conséquences sur la condition physique à long terme, mais aussi qu’elle peut provoquer la mort embryonnaire pendant l'exposition, explique Alizee Meillere.

Les œufs exposés au bruit automobile pendant les cinq derniers jours de l'incubation avaient des taux de survie plus faibles d’environ 20 % que ceux soumis aux sons des chants.

De plus, les poussins exposés au bruit grandissaient beaucoup moins vite et présentaient des dommages cellulaires plus importants à tous les stades de la vie, ajoute la chercheuse.

Le déficit de croissance s’est toutefois estompé avec le temps.

Ils ont été capables de compenser et de grandir un peu plus vite, et finalement, ils avaient les mêmes tailles que les oiseaux qui n'avaient jamais été exposés au bruit, note Alizee Meillere.

Les télomères sont des séquences d’ADN qui se trouvent au bout des chromosomes. Ils assurent l’intégrité du génome durant la division cellulaire. Ils raccourcissent toutefois à chaque division cellulaire, jusqu’à ce qu’ils deviennent trop courts pour remplir leur fonction de protection. Ce raccourcissement est associé au vieillissement, mais aussi à des maladies telles que le cancer et la démence.

En outre, l'exposition au bruit au début de la vie, particulièrement pendant la période prénatale, a aussi mené à une diminution du nombre de bébés tout au long de l'âge adulte.

L'impact est vraiment très important. Ceux qui ont été exposés au bruit avaient un succès reproducteur fortement diminué. Ils produisaient deux fois moins de bébés que ceux qui n'avaient jamais été exposés au bruit, remarque la chercheuse.

D’autres données nécessaires

Si le bruit du trafic routier a clairement des effets néfastes sur les oisillons, plusieurs questions restent en suspens.

L’équipe aimerait donc mieux cerner les mécanismes physiques qui rendent certains sons si dommageables, alors que d’autres ne le sont pas.

Elle aimerait mener des expériences où les oiseaux seraient exposés à différents types de bruit pour déterminer quelles sont les propriétés acoustiques qui ont un effet néfaste.

Et les humains

La chercheuse espère que ces résultats – si embryonnaires soient-ils – mènent à une prise de conscience.

Il faut peut-être que les gens commencent à faire plus attention à la menace posée par le bruit anthropique qui est souvent reléguée derrière d’autres formes de pollution, telles que la pollution chimique, observe-t-elle.

Dans un article de perspective qui accompagne l’étude, le professeur d’acoustique Hans Slabbekoorn de l’Université Leiden aux Pays-Bas écrit que des résultats similaires à ceux obtenus chez le mandarin pourraient certainement l’être avec d’autres espèces, y compris l'humain.

Les résultats suggèrent que l'environnement acoustique des oiseaux nicheurs dans les villes et le long des autoroutes devrait être mieux géré, et que le confort acoustique dans les environnements hospitaliers pour les mères enceintes et les bébés devrait faire l'objet d'une attention particulière, souligne le professeur.

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