LA MINISTRE ST-ONGE CRAINT UN RAPPROCHEMENT ENTRE CBC ET RADIO-CANADA

OTTAWA — La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, n'est pas particulièrement chaude à l'idée d'un rapprochement entre les services anglais et français de CBC/Radio-Canada qu'envisage la haute direction de la société d'État.

«Une chose est sûre, ce qui concerne l’autonomie de la programmation française à Radio-Canada demeure inchangé et puis ils ont des obligations à respecter en vertu de leur mandat», a-t-elle insisté lors d'une mêlée de presse en milieu d'après-midi, jeudi.

Plus tôt en journée, elle écrivait dans un message transmis par son cabinet qu'elle s'assurera que «tout effort de modernisation» qui se ferait «au détriment des services francophones et de leur capacité à remplir leur mandat, tant pour le Québec, que pour toutes les communautés francophones partout au pays» ne voit pas le jour.

À Québec, le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, a soutenu que si les changements s'étendent à la programmation, «culturellement parlant, pour le Québec, ce serait une catastrophe». M. Lacombe a dit croire «sans équivoque» qu’il est primordial de maintenir deux services distincts.

«Il y a une pente glissante lorsqu'on associe trop de services ensemble et on voit qu'il n’y a pas consensus à Ottawa sur l'importance du diffuseur public», a évoqué le ministre dans une référence à peine voilée à l'engagement des conservateurs de Pierre Poilievre de «définancer» la CBC s'ils prennent le pouvoir.

M. Lacombe a affirmé que l'avenir du diffuseur public en français au Québec est «non négociable» si bien qu'un parti fédéral voulant s'en prendre à Radio-Canada «trouverait le Québec sur son chemin».

Dans une déclaration publiée en ligne, la société d'État assure que son «plan de modernisation» révélé au grand jour jeudi par le quotidien La Presse «ne vise pas à éliminer l'indépendance éditoriale et de programmation des médias anglais et français».

Le projet a pour objectif d'«assurer la pérennité» du diffuseur public en tirant «le meilleur parti possible de nos ressources limitées, notamment en matière de technologie», mentionne-t-on.

Mais le vice-président et chef de la transformation à Radio-Canada, Marco Dubé, n'exclut pas un rapprochement au niveau de la programmation. «Pas nécessairement», répond-il au journaliste de La Presse selon une transcription fournie par la société d'État.

La nouvelle a rebondi à la période des questions à Ottawa, jeudi après-midi, lorsque le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, a affirmé que ce rapprochement implique des concessions qui se feront «sur le dos de la culture québécoise et de ses créateurs» et qui vont «nécessairement enlever de notre identité culturelle pour l'assimiler à celle du Canada anglais».

La vice-première ministre Chrystia Freeland l'a assuré qu'elle partage les préoccupations de la population «sur la langue française, sur la culture québécoise» et que «la diffusion en français ne sera pas affectée».

Revenant à la charge, M. Therrien a dit avoir «une proposition»: rendre CBC et Radio-Canada à l'inverse plus indépendantes l'une de l'autre en les séparant en deux sociétés d'État distinctes, en reconnaissant que «les deux n'ont pas la même identité culturelle, pas la même audience, pas la même culture d'entreprise».

À leur arrivée au parlement, un seul élu du Parti conservateur - la formation qui est largement en avance dans les sondages d'intentions de vote - a commenté le projet, mais du bout des lèvres. «C’est une belle stratégie», a dit le député de Lévis—Lotbinière, Jacques Gourde, sans s'expliquer davantage.

Une demande d'entrevue avec la porte-parole conservatrice en matière de Patrimoine canadien, Rachael Thomas, était restée lettre morte au moment de publier. Mme Thomas est la députée albertaine qui avait demandé il y a quelques mois à la ministre St-Onge de lui répondre en anglais devant un comité parlementaire, avant de plus tard s'excuser, mais jamais à l'oral.

Son chef, Pierre Poilievre, a beau mépriser la CBC, il considère néanmoins que les services français de Radio-Canada, et particulièrement ceux destinés aux minorités francophones du pays, devraient être épargnés puisqu’il les considère comme un service essentiel. M. Poilievre assure pouvoir séparer les deux services.

Quelques instants plus tard, le libéral Francis Drouin, qui représente une circonscription ontarienne à forte présence francophone, a expliqué que de mutualiser les services devient «un problème la journée que M. Poilievre veut éliminer CBC».

Dans le foyer de la Chambre des communes, le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, s'est dit «extrêmement inquiet» étant donné que CBC et Radio-Canada mettent déjà énormément de ressources en commun.

«Est-ce qu'on parle de la programmation?, s'est-il demandé. Parce qu’il faut que la production en français, puis la programmation en français, elles servent les histoires des communautés francophones au Québec, puis ailleurs au Canada.»

M. Boulerice a dit craindre que Radio-Canada «devienne la traduction simultanée de CBC».

Michel Saba, La Presse Canadienne

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