APRèS 6 MOIS DE CONSIGNE éLARGIE, L’éCONOMIE CIRCULAIRE QUéBéCOISE S’ORGANISE

« Chaque jour, au Québec, on jette dans la nature et aux ordures près d’un million et demi de contenants consignés », dit Marica Vazquez Tagliero, la cofondatrice de l’organisme Les Valoristes, coopérative de solidarité, qui récupère les contenants consignés au centre-ville de Montréal depuis plus de 10 ans.

Le matin, dès l’ouverture, les gens attendent pour apporter des contenants consignés.

Ce n’est pas de les ramasser, les canettes, qui dérange le monde, c’est d'aller les porter! s’exclame Pierre, rencontré à la coopérative. C’est un valoriste, quelqu’un qui récupère, recycle et réutilise des matières résiduelles.

Au guidon de son vélo chargé de sacs, Pierre rapporte, comme plusieurs personnes ce matin-là, de grandes quantités de contenants consignés au dépôt des Valoristes.

La majorité des gens font la collecte de canettes consignées pour boucler les fins de mois et plusieurs le font depuis longtemps, mais on commence à voir une petite différence dans la clientèle. On voit plus de gens qui n'étaient pas habitués à le faire et qui commencent à le faire, dit Mme Vazquez Tagliero.

Elle ajoute que les gens sont plus encouragés à ramasser et que la majorité des gens qui viennent au centre de dépôt sont contents avec la mise en place de la première phase de la consigne élargie.

L’organisme qui récupère annuellement 4 millions de contenants projette d’aller jusqu’à 10 millions l’an prochain, lorsque la phase 2 de l’élargissement de la consigne sera implantée.

Sur place, des bénévoles comptent les contenants. Nul besoin de les trier, car depuis la modernisation de la consigne, tous les types de contenants en aluminium sont acceptés, comme les canettes de jus et d’eau pétillante (les petites comme les grosses). De plus, le montant de la consigne des canettes est passé de 5 à 10 cents, alors que celui des contenants en verre de 500 millilitres à 2 litres, qui étaient déjà consignés, est maintenant de 25 cents.

Dans la phase 2, l’an prochain, on inclura tous les autres contenants pour boisson, qu’ils soient en métal, en plastique (comme les bouteilles d’eau), en cartons multicouches (comme les cartons de lait) et en verre. On souhaite que la consigne double, pour atteindre 5 milliards de contenants annuellement.

C’est la voiture pleine à craquer de canettes qu’Élyse Gamache-Bélisle arrive au dépôt, ce même matin. C'est extraordinaire, c'est vraiment plus facile qu'à l'épicerie, s'exclame-t-elle.

D’après elle, les machines de récupération des commerces fonctionnent mal. Chaque fois qu'on met une canette, elle est refusée. Et en plus, ils ne prennent pas les écrasées.

Elle affirme que sans le dépôt des Valoristes, le projet qu’elle souhaite réaliser tomberait à l’eau. S’il n'existait pas, moi, mon projet de faire une mise de fonds pour vivre dans mon quartier serait arrêté. C'est bien trop difficile de consigner à l'épicerie, ça aurait été trop long et trop difficile.

Michel, un autre valoriste, trouve lui aussi qu’il est difficile de rapporter des contenants consignés selon les endroits. Dans la plupart des endroits, nous sommes très mal reçus, dit-il.

Malgré cette modernisation de la consigne, il y a tout de même beaucoup de gens qui se plaignent des difficultés et de l'accueil dans les lieux de retour, confirme Marica Vazquez Tagliero. Il faut avoir des points de dépôt comme le nôtre, qui vont se spécialiser dans la récupération de ces contenants et qui vont donner de bons services aux gens.

Imputabilité à la performance

Depuis sa mise en place, la consigne élargie est gérée par l'Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB). Elle prévoit 200 lieux de dépôt pour mars 2025. sauf que, pour le moment, un seul est en fonction, dans la ville de Granby.

Depuis six mois, [la récupération], c’est maintenant la responsabilité des producteurs et non plus du gouvernement. Il y a des objectifs et il y a une performance qui devront être atteints, sinon il y aura des pénalités, explique le professeur et chercheur Marc Olivier, du Centre de transfert technologique en écologie industrielle.

En attendant les nouveaux dépôts, tous les commerces qui vendent des contenants de boissons doivent les reprendre une fois vides.

Anciennement, le dépanneur pouvait refuser sous prétexte qu’il ne vendait pas le produit, rappelle M. Olivier. Dans le nouveau système, on dit : "Vous serez obligés de reprendre tous les contenants, que vous les ayez vendus ou non."

Cependant, il y a un élément discriminant qui est la taille de l'établissement, précise le chercheur. Les petites surfaces de moins de 375 m2 peuvent en effet s'exempter de cette tâche, de même que les grands commerces qui n’ont qu’un petit frigo de boissons. Mais ils doivent indiquer le lieu de récupération le plus proche.

C'est pourquoi, parfois, il peut y avoir de la confusion, convient M. Olivier.

En reprenant les contenants consignés, le commerce reçoit une prime d’un peu plus de 2 cents par contenant.

On est en train de mettre en place une réforme. Il peut y avoir des ratés, mais il faut qu'on encourage les gens à continuer de participer, car ce que l’on est en train de faire est vraiment pour mieux gérer les matériaux, explique Marc Olivier.

D’ailleurs, le nombre de contenants de boissons consignés remboursés dans les commerces a augmenté de 9 % en six mois, selon les données de l’AQRCB.

De nouveaux modèles d'affaires

Avec la modernisation de la consigne, on souhaite faire passer le taux de récupération des contenants de 73 à 90 %.

Si on souhaite atteindre ce 90 %, il faudra d’autres modèles d’affaires, pense Marica Vazquez Tagliero.

C’est aussi ce que pense Martin Gagné, copropriétaire de Go Consigne, de Saint-Jean-sur-Richelieu. Il a fondé une entreprise qui collecte les contenants consignés, que ce soit dans les résidences privées, les institutions ou les commerces, moyennant des frais équivalents à 38 % du montant remis.

En trois mois d’activité, Go Consigne a récupéré plus de 2 millions de contenants.

Je pense que de faciliter le travail du citoyen est primordial pour l'atteinte de l'objectif du 90 %, fait-il valoir.

Selon M. Gagné, il faut aussi penser à l’argent qui est jeté lorsqu’on envoie ses canettes ou ses bouteilles à la poubelle. C’est astronomique en volume et en valeur, s’exclame-t-il.

Peut-être que tu n'as pas besoin de ce 10 cents ou de ce dollar de la consigne, alors pourquoi ne pas les donner à une cause ou à une personne? suggère Marica Vazquez Tagliero. Il ne faut surtout pas les jeter aux poubelles! Vous êtes en train de polluer, alors que ça pourrait faire une différence dans la vie de quelqu'un.

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