GAIN EN CAPITAL: LA FISCALITé VA NUIRE à L'éCONOMIE, SELON LE PATRON DE LA NATIONALE

MONTRÉAL — La hausse de l’imposition du gain en capital au-delà du seuil de 250 000 $ va nuire à l’économie canadienne, s’inquiète le président et chef de la direction de la Banque Nationale, Laurent Ferreira, en entrevue. 

Le banquier craint que la mesure ne décourage l’investissement au Canada. «Je pense que l'environnement pour la prise de risque est de plus en plus négatif», déplore-t-il en entrevue, vendredi, en marge de l'assemblée des actionnaires. 

Le Canada deviendra moins concurrentiel par rapport aux États-Unis, selon lui. «Avant le budget fédéral, l'impôt sur le gain en capital à long terme, il y avait un écart (...) d'à peu près 5 %-6 %. Là, on est rendu dans du 16 %. Ça va avoir un impact.»

«Ça augmente le coût de capital des entreprises, ajoute-t-il. Il y a un certain découragement aussi, qui va s'installer chez l'investisseur.»

Il s’inquiète également de la contre-performance de la productivité de l’économie canadienne depuis une quinzaine d’années. 

Dans le budget fédéral de mardi, le gouvernement Trudeau a annoncé que les deux tiers du gain en capital seront imposés plutôt que la moitié à partir du seuil de 250 000 $, dès le 25 juin. Québec va également emboîter le pas au fédéral. 

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, avait dit en conférence de presse que le seuil de 250 000 $ avait été déterminé «précisément» pour «cibler ceux qui ont le plus de possibilités de payer un peu plus pour financer les programmes pour l’équité».

M. Ferreira rétorque que «peut-être qu’on (le gouvernement) dépense trop». «Après ça, il faut voir également quel type de productivité est-ce qu'on va obtenir avec ces dépenses, souligne-t-il. La proportion des emplois créés dans la fonction publique a explosé au Canada versus le privé. Pour moi, c'est une source d'inquiétude.»

Le patron de la Nationale ajoute qu’on doit préserver le tissu social au Canada, mais «pour y parvenir, il faut bâtir une économie forte». 

Pas de mises à pied

En tant qu’employeur, la Banque Nationale s’est démarquée en évitant les mises à pied dans un contexte de ralentissement économique qui a touché toute l’industrie. Dans les derniers mois, les grandes banques canadiennes et le Mouvement Desjardins ont annoncé des licenciements collectifs. «On n'envisage rien au niveau de mises à pied», assure M Ferreira. 

Il juge que la Banque Nationale a été récompensée pour son approche «prudente» en matière de recrutement durant la pandémie, une période de forte embauche dans le secteur bancaire. 

«Quand tu engages trop, puis tu dois mettre du monde à la porte, c'est que tu as fait des erreurs tactiques ou stratégiques», répond-il.

La Banque reste au Cambodge

Au cours de l’assemblée, M. Ferreira a réitéré que la Banque Nationale n’avait pas l’intention de vendre sa filiale ABA Bank au Cambodge, comme l’avait rapporté un média économique américain le mois dernier. «Je ne sais pas d’où ça vient», a répondu le dirigeant à un actionnaire.

En entrevue, il assure que cette option n’a pas été envisagée avant de l’écarter complètement publiquement. «Non, c'est une rumeur et on la dénie complètement. (...) Il n'y a pas eu de fuites. On ne travaille pas sur quoi que ce soit.»

Politique environnementale

Comme les autres banques canadiennes, la Banque Nationale s’est fait questionner sur ses politiques environnementales par des actionnaires militants dans le cadre de son assemblée.

Le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a proposé notamment d’adopter un vote consultatif sur la politique environnementale de la Banque. La proposition a reçu l’appui «d’approximativement» 17 % des votes, selon un décompte préliminaire. Il s’agit d’un appui relativement important pour une proposition d’un actionnaire militant.

Renaud Gignac, conseiller du groupe Investors for Paris Compliance, a aussi demandé à la Banque Nationale de revoir sa stratégie d'investissements dans le secteur énergétique.

La Nationale s’est engagée à ce que ses investissements dans les énergies propres progressent à un rythme plus rapide que ceux dans les énergies fossiles. L’institution a aussi pour stratégie de ne pas accorder de nouveau financement pour l’exploitation ou l’exploration pétrolière. L’institution considère ainsi que ses interventions n’auraient ainsi pas d’effet sur l’offre et la demande d’énergie fossile.  

M. Gignac juge cependant que la promesse de faire croître plus rapidement les énergies renouvelables comporte «une faiblesse importante». «Il permet à la Banque de continuer d'augmenter son financement des secteurs à risques (les énergies fossiles), avec pour seule condition que le financement des énergies renouvelables augmente plus rapidement.»

M. Ferreira est ouvert aux propositions de M. Gignac, mais il dit que la taille du secteur des énergies propres limite également la taille des investissements possibles, précise-t-il en entrevue. «On peut seulement aller à la vitesse de l'économie.»

Entreprise citée dans cette dépêche: Banque Nationale du Canada (TSX:NA)

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne

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