VOULOIR TROP PERFORMER NUIRAIT à L’ACTIVITé SEXUELLE

Trop d’entraînement ou une trop grande volonté de performer auraient-ils une incidence négative sur la vie sexuelle des athlètes?

Radio-Canada Sports a essayé de trouver des éléments de réponse avec Joanie Heppell, sexologue et présidente de l’ordre des sexologues du Québec, dont la réflexion se base sur des observations cliniques qu’elle a pu faire.

Lors de ses consultations, Joanie Heppell a remarqué que les personnes qui se poussent beaucoup avec ténacité, persévérance et avec ce désir du dépassement, se déconnectaient de leur douleur ou de leurs corps.

On ne peut pas déconnecter le corps de la douleur sans déconnecter des sensations de plaisir, explique-t-elle. Cela a l’air simple comme ça, mais les gens n’y pensent pas. On peut donc imaginer les sportifs comme ayant un rapport au corps très sain, très santé, mais il peut y avoir toutes sortes d’accrocs avec des entraînements très intensifs où les gens investissent ou surinvestissent seulement la sphère du sport, au détriment d’autres sphères plus relationnelles, plus axées sur le plaisir et moins la performance.

Même si la société évolue, l’égalité hommes-femmes est loin d’être acquise. Parfois, on va donc s’attendre à ce que l’homme soit plus performant que la femme dans la sexualité. La sexologue en explique les conséquences.

Ce que je remarque, c’est que les femmes, dans leur éducation sexuelle, se font encore apprendre aujourd’hui une certaine passivité. Là, les interactions entre performance et passivité sont moins grandes, mais la déconnexion au corps peut être d’autant plus grande, car on ne leur apprend pas à être très actives dans leur sexualité.

La solution réside dans l’équilibre, selon Joanie Heppell.

Une personne qui aurait beaucoup de testostérone couplée avec un développement sain aura une vie sexuelle beaucoup plus satisfaisante qu’une personne qui aurait peu de testostérone, avec un développement psychologique qui aurait été entaché par différents éléments.

Ce qui peut paraître paradoxal, c’est que l’on pense que tous ces athlètes au physique sculpté au couteau se trouvent beaux, et entretiennent donc une relation saine avec leur corps. Ce n’est pas ce qu’a constaté la sexologue.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

C’est peut-être l’analogie qui résumerait ce profond malaise. Vouloir trop d’un côté vous enlève le reste. Le tout est une question d’équilibre qui n’est pas exclusif au monde du sport, comme l’explique la présidente de l’ordre des sexologues du Québec.

Quand il y a un surinvestissement, quel que soit le domaine d’activité, que ce soit le sport ou le travail, les gens sont consumés par une seule chose. C’est ce que j’appelle mettre tous les œufs dans le même panier, et qu’on échappe le panier, comme un problème dans la performance sportive ou un échec. Tout cela peut teinter toutes les autres sphères de cette personne-là, incluant ses relations et sa sexualité.

La causalité paraît donc évidente.

Je vais perdre mon match ou mal performer, je vais également mal me sentir dans ma relation sexuelle. L'inverse est également vrai. La spécialiste est convaincue qu'il s'agit d'un principe qui peut être inculqué à certains athlètes par leur entraîneur.

Il ne faut pas oublier que certains sportifs sont superstitieux et vont parfois tomber dans l'effet placebo. J'ai réussi en faisant cela et je vais le répéter pour pouvoir gagner de nouveau. Mais ici, la cause à effet peut être douteuse.

Alors, où trouver le juste équilibre?

Retrouver le plaisir

L’avenir peut donc paraître sombre pour l’activité sexuelle, car notre société accélère de plus en plus, et avec elle, ce désir de performance. On perd donc petit à petit la notion de plaisir.

Joanie Heppell cite l’exemple d’une gymnaste qu’elle a rencontrée et qui avait perdu toute notion de plaisir, que ce soit pour son sport ou pour sa vie sexuelle.

C’est le bon mot en fait, le plaisir. Je pense à cette grande gymnaste qui me disait qu’elle n’avait plus de plaisir très tôt dans sa carrière. Elle n’avait non seulement plus de plaisir, mais elle ne s’amusait plus. Elle était donc très jeune, préadolescente, adolescente au moment où la sexualité commençait à fleurir, et bien elle s’interdisait elle-même de s’explorer. Les moments où elle pouvait se connecter avec son corps, elle voyait cela comme une erreur ou quelque chose qui allait la détourner d’un objectif. Donc, le plaisir est extrêmement loin, car quand on n’a plus de connexion avec soi-même, le plaisir ne peut plus être incarné.

La sexologue parle également de l’image corporelle des danseuses de ballet.

Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est qu’avant de donner du plaisir, il faut avant tout en avoir.

Et comme le disait Albert Einstein, lorsque vous faites quelque chose avec un tel plaisir, vous ne remarquez pas que le temps passe.

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